L’Île des esclaves oubliés et trahis – condamnés à une mort lente

A PRÉSENT QUELQUES INTERROGATIONS !

Félicitations à Thomas Romon, Max Guérout et à tous ceux qui ont fait des recherches pour vulgariser l’histoire terrible de ces esclaves abandonnés à Tromelin et qui y ont passé quinze ans dans un dénuement total. J’ai essayé de faire un recoupement des informations et autres travaux. Il me reste des questions coincés dans l’esprit.

Une fois cette reprise faite de l’événement à partir de ces sites notés et bien d’autres encore, il me reste en travers de la gorge plusieurs interrogations diverses et variées que je voudrais partager avec vous.

J’en garde six cas, à chaque cas une grande question sur ces naufragés, esclaves malgaches.

Cas 1 –

Dans la soirée du 1er octobre 1761, La Providence arrive rapidement à bon port au comptoir de traite de Foulpointe, sur la côte Est de Madagascar, là où les esclaves -fruits de razzias clandestines- avaient été achetés alors que la traite était provisoirement interdite. Le chef d’escadre Froger de l’Éguille recueille le témoignage du capitaine Lafargue, qui raconte l’aventure en détail. Il minimise toutefois le nombre d’esclaves abandonnés sur l’île, puisqu’il déclare qu’ils sont 60 au lieu de 82. Ce n’est pas là le discours de quelqu’un qui aurait perdu la tête ! Et pourtant c’est ce qu’on avait dit tout simplement lorsqu’il resta prostré et traumatisé par la destruction de la Flûte l’Utile.

Pourquoi ne survit-il pas au voyage retour de Madagascar vers l’île Bourbon à bord du bateau Silhouette ? On dit qu’il est mort de maladie – fièvres malgaches – quelques heures avant l’arrivée : est-ce vraiment la cause de sa mort ?

Plus grave, comment expliquer la disparition dans les arcanes de l’administration du rapport rédigé par le chevalier de Tromelin, ramenant les 8 survivants ?

L’archéologue Max Guérout estime que l’histoire étant extraordinaire, « la personne à qui le rapport a été adressé a dû s’empresser d’aller le montrer à son voisin et le document a fini par rester dans un bureau, sans qu’on pense à le récupérer pour l’archiver. » Ne nous faut-il pas une bonne dose d’angélisme pour aller croire une chose pareille avec des professionnels aussi pointilleux que des archivistes ! Dans ce cas, on peut légitimement se demander combien d’autres rapports ont subi un tel sort si définitif ?

Cas 2 – « On dit que Castellan promet à son équipage ainsi qu’aux soixante esclaves restés sur l’île de revenir les chercher »

J’analyse cette promesse et je ne comprends pas toutes ses motivations ? Car ces femmes et hommes abandonnés sont des esclaves clandestins. On reviendrait les chercher en tant qu’esclaves ? Ou en hommes libres ? On reviendrait les chercher pour des raisons humanitaires ? Ni Castellan, ni ses autres complices n’ont été ni accusés encore moins poursuivis pour détention illégale d’esclaves à leur retour à l’Île de France ! Disons que selon les contextes de l’époque, la chose était impossible. Puisqu’on apprend que la flûte l’Utile, un trois-mâts, gros bateau est, pour le compte de la Compagnie française pour le commerce des Indes orientales affrété par Jean-Joseph de Laborde qui était un banquier de Louis XV, première fortune de France. Ce négociant est un personnage double et vicieux comme les grands capitalistes savent l’être : parfois mécène des artistes et d’autres fois, négrier, pour renflouer ses caisses. L’Utile un navire aux formes trapues, optimisé pour le transport, peu coûteux à produire, est confié à Jean de La Fargue, 57 ans, parce qu’il est également un spécialiste de la traite. http://www.lepoint.fr/actualites-sciences-sante/2007-01-17/les-naufrages-de-tromelin/919/0/15068

En conclusion, malgré l’interdiction formelle du gouverneur, La Fargue embarque sciemment les esclaves sous l’ordre de son armateur. Parce qu’ils comptaient sur une forme d’immunité ou d’impunité… Il n’était donc pas dans l’intérêt des décisionnaires de cette embarcation d’aller rechercher les sujets de leur délit ! Malgré qu’on dise que Castellan, le commandant en second secoué par sa conscience a toujours plaidé la cause des oubliés. 

Cas 3 –

Dans le livre de Dominique LE BRUN intitulé « Les naufragés : Témoignages », on lit ceci suivant la traduction du texte de Dubuisson de Keraudic 1761 :

“Ils ne sont pas exprimables, les secours que nous avons tirés depuis le premier moment jusqu’au dernier de ces malheureux esclaves que nous avons été obligés d’y abandonner à la honte de tous. Excepté une vingtaine, tant de l’état-major que de l’équipage qui ont surpassé la force et le courage humain par leurs travaux et peines continuelles.

Ce qui prouve clairement que les 122 rescapés dont 121 ont rallié sains et saufs l’Ile de France – Ile Maurice, doivent leur vie aux travaux de forcenés réalisés par les abandonnés. Ce fut donc évidemment à la fois sous la contrainte -puisqu’ils ont toujours été désignés comme des esclaves et rien d’autres- et sous le mensonge éhonté consistant à leur faire croire qu’on reviendrait les chercher que les choses s’étaient faites.

  • Alors que le nombre d’esclaves est bien établi, on lit sous la plume de Jean-Yves Le Lan en date du jeudi 12 mars 2009, dans l’article Le Naufrage de l’Utile, une phrase qui tend à minimiser ce nombre « Mais Jean de La Fargue, capitaine de l’Utile, enfreint les ordres et embarque à Foulpointe des esclaves (nombre non connu mais aux environs de 100 probablement) ». Pourquoi ?
  • https://www.histoire-genealogie.com/Le-Naufrage-de-l-Utile
  • https://www.histoire-genealogie.com/_Jean-Yves-Le-Lan – Jean-Yves Le Lan, né à Lorient en 1949, ingénieur, retraité en 2001, il s’est penché sur la vie de ses ancêtres et en particulier à ceux ayant eu des activités maritimes, le service pour la marine royale et pour la Compagnie des Indes…

Cas 4 –

Un petit navire, la Sauterelle, leur avait donné l’espérance d’être enfin délivrés. Nous sommes en 1774. Mais il s’en éloigna précipitamment après y avoir débarqué un matelot. Cet homme, victime ou puni, bourreau ou condamné, humaniste ou bagnard était dans tous les cas, abandonné par le navire et ses camarades. Hasard ou plan prémédité ? Pourquoi cet abandon ? Est-ce seulement à ce moment-là que l’équipage de la Sauterelle se posait la question suivante : fallait-il persister ? Au fait, pourquoi secourir à présent des esclaves qui à la base étaient obtenus illégalement et condamnés à la mort par abandon ?

On dit que cet homme, dont je n’ai trouvé pour le moment le nom mentionné nulle part aurait pris ensuite le parti désespéré de se rendre à Madagascar sur un radeau en embarquant avec lui trois hommes et trois femmes. Comment furent-ils choisis ? Combien de survivants avait-il précisément trouvé sur place ? Comment les trois hommes pourraient-ils allègrement accepter ce départ sur un radeau de fortune ? Et vers où ? Etaient-ils contraints ou volontaires ? Esclavage encore ou liberté ?

Chose incroyable, Chose incroyable, il embarque les trois derniers hommes en abandonnant pour une dernière condamnation à mort rien que des femmes, 7 autres survivantes. Avant de partir un des hommes parmi les partants savait qu’il avait fécondé une des abandonnées (ce départ a certainement été vécu comme une grosse trahison de ces hommes surtout le futur papa) en juin ou juillet 1974. Celle-ci réussit à porter sa grossesse à terme. Dans ses bras un bébé de huit mois au dernier sauvetage. Que dire d’autres, sinon une sournoise décision de l’administration d’oublier et d’étouffer définitivement l’histoire de cet abandon ?

Cas 5 –

Le jour même de l’arrivée à Port-Louis, le 15 décembre 1776, Jacques Maillard du Mesle, Intendant de l’Île de France, accueille en personne dans sa maison la mère et son fils ainsi que la grand-mère, les seules à avoir une histoire à raconter. Ce trio vivra chez lui. Il les déclare libres et leur proposa de les ramener à Madagascar. Ce que les dames refusèrent, dit-on ! Maillard décide alors de baptiser l’enfant Jacques Moyse (Moïse). La grand-mère est renommée Dauphine du nom de la corvette qui a ramené les naufragés. Et la mère, au nom malgache de Semiavou qui signifie qui n’est pas orgueilleuse, devient Eve.

Max Guérout dit qu’une dame lui révèle aussi, une autre fois, que sa grand-mère (ou son grand-père) avait comme nom celui d’un bateau négrier « l’Utile ». Il n’en dit pas plus sur le tracé de cette transmission issue de l’oralité.

Pourquoi autant de générosité envers des négresses dont la mort n’a pas voulu ? Comment comprendre ce phénomène ? Rappelons que le Décret pour abolition de l’esclavage en France rédigé par Victor Schœlcher ne sera signé que le 27 avril 1848 soit, tenez-vous bien, 72 ans plus tard ! Quel remords dicte cette sollicitude débordante alors que l’esclavage est toujours en cours ? Si ne n’est le désir politique du gouverneur et de son administration de bâillonner ces femmes maudites d’être des survivantes ? 

(En 1790, Mirabeau comparera les navires négriers à des cercueils flottants, mais il faudra attendre 1848 pour que l’esclavage soit définitivement interdit dans les colonies.

1ère abolition : 4 fév. 1794, initié par l’Abbé Grégoire – Rétablissement par Napoléon le 20 mai 1802 – 2ème abolition : 27 avril 1848, initié par Victor Schoelcher)

Cas 6 –

Sous le titre « Moïse » par Camille Payet, publié le 29 mars 2010 sur le blog de Monique MERABET sous sa rubrique Les dix mots (7), http://patpantin.over-blog.com/article-les-dix-mots-6-47559213.html, l’auteur revendique une certaine parenté avec Soha, prénom malgache de la mère du garçon qui sera rebaptisé Moïse par Jacques Maillard du Mesle, Intendant de l’Île de France . Dans les textes recueillis, elle était dénommée Semiavou.

Donc Soha aura eu 20 ans en 1761. Elle a accouché en avril ou mai 1776 de Mahévo, ainsi nommé en souvenir de son père Mahavel. Mieux encore, le garçon aura un nom malgache Moïse Rakotoandroo, soit (Mahévo fils de Mahavel Rakotoandroo) pour une identité plus complète dit-il !

Cet élément qui ne peut être qu’issu de recoupements oraux altérés montre, s’il y a du vraisemblable, deux choses. 1- Qu’il y a une mémoire orale qui a traversé les époques sur le sort des esclaves malgaches naufragés et rescapés à l’Ile des sables. D’ailleurs, l’homme à qui il faut rendre un hommage particulier pour son travail et son opiniâtreté c’est Max Guérout. Il affirme lui-même qu’il n’a accordé de l’importance à la question des oubliés de l’Ile des Sables que sur l’insistance d’un météorologue travaillant sur l’Ile de Tromelin où trois personnes vivent. Les esprits de ces ancêtres ne se sont-ils pas manifestés à lui, d’une façon ou d’une autre ? A rechercher !

2- Que les esclaves, puisqu’ils viennent de la même île ou même du même site, se connaissaient probablement. Car un nom de famille comme Rakotoandroo – ne figurant plus dans l’annuaire – ne peut pas sortir du néant.

Il estime en être un « très lointain descendant ». Soha, son aïeule, esclave malgache, parmi les rescapés à l’Ile des Sables aura connu seulement à 33 ans, l’un des derniers braves parmi les rescapés, Mahavel. Etonnant ! Décrit comme beau « un apollon à la musculature impressionnante », on peut se demander pourquoi n’est-il pas parti avec la première vague de départ des 18 personnes qui ont embarqué sur un radeau de fortune de leur construction ? selon les témoignages des 7 femmes ?

Même si je considère ce texte beaucoup plus comme un voyage poétique dans l’histoire qu’un témoignage, deux choses me chiffonnent là-dessus.

Je me demande pourquoi l’auteur fait revenir Soha sur son île ? « Soha, son fils, ses compagnes, regagnent leur île natale, Madagascar. La mère et le fils retrouvent enfin leur village, leur famille. Tout a bien changé ». 

Selon les textes recueillis, elle refusait le voyage ! Ensuite, pourquoi on a le vrai nom de Moïse sans aucune autre piste sur les traces de son père ?

Trop de questions malheureusement resteront sans réponse sur cette affaire de l’île des Sables tout simplement parce que « si les lions avaient leurs propres historiens tous les glorieux faits de chasse ne seraient pas en faveur des chasseurs. »

Autres lectures utiles en complément d’information :

  1. Lecture instructive en complément : http://www.cosmovisions.com/esclavage.htm – Tout savoir sur l’esclavage
  2. https://journals.openedition.org/insitu/10182 – sur les oubliés de Tromelin
  3. https://journals.openedition.org/carnets/2188, Vers une post mémoire de la traite et de l’esclavage ? par Fabrice Schurmans
  4. Réflexions sur l’esclavage des nègres, texte de Nicolas de Condorcet publié en 1781 http://paulf.tk/files/school/1S/French/R%3Fflexions%20sur%20l’esclavage%20des%20n%3Fgres,%20Condorcet%20(1781).pdf – Dénonciation de la pratique de l’esclavage jugé comme un véritable crime. Il plaide pour une suppression progressive de l’esclavagisme en expliquant que si cela n’est pas possible demain, l’abolition est un objectif réalisable sans trop de difficulté économique. Son opposition à l’esclavage se fait au nom de droits naturels de l’humanité…

https://creoleways.com/2014/10/01/esclavage-et-reparations-doudou-diene-souhaite-lannulation-de-la-dette-de-lafrique/ Esclavage et réparations : Doudou Diène souhaite l’annulation de la dette de l’Afrique – entretien par Yacine S

L’Île des esclaves oubliés et trahis – condamnés à une mort lente

Tromelin, l’île des esclaves oubliés, exposition au musée de l’Homme, à Paris, du 13 février au 3 juin 2019.

Avec le lien au-dessus, vous pouvez enter dans le monde de l’exposition présentée au musée de l’homme sur cette étonnante voire ahurissante histoire des captifs malgaches en mer vers l’esclavage… que le destin va se charger de libérer pour donner des leçons à l’arrogance et au manque d’humilité de leurs ravisseurs. Cependant ces derniers n’en deviendront que plus féroces !

C’est l’histoire d’un naufrage au XVIIIème siècle. Une histoire terrible où les esclaves abandonnés ont passé quinze ans dans un dénuement total. Pas encore assez vulgarisée. Voici un recoupement des informations et autres travaux.

L’Utile est une belle Flûte neuve, construite à Bayonne, a quitté les côtes françaises le 1er mai 1760 avec un total de 142 hommes d’équipage. Direction l’Océan Indien. Son capitaine s’appelle Jean de Lafargue. Un homme de confiance mais un peu imbu de lui-même, un trafiquant et un gros menteur. Il est secondé par son premier lieutenant, Barthélemy Castellan du Vernet, plus dégourdi, vaillant et consciencieux. A bord des marins de Bayonne, de Bretagne du Béarn, du pays Basque et d’autres. Régions ainsi identifiées de nos jours !

Un an un mois plus tard, fin juin 1761, il aborde à Foulpointe sur la côte Est de Madagascar. Il en repartira après trois semaines plus tard, le 22 juillet avec une cargaison clandestine destinée à faire à l’époque la fortune des armateurs : 160 esclaves malgaches achetés 30 piastres chacun, achetés en fraude avec l’argent de la Compagnie françaises des Indes orientales à un capitaine portugais… (4800 piastres pour faire son marché – monnaie du Portugal et d’Espagne utilisée allègrement à l’époque). Il comptait revendre 70 piastres chacun quelques jours plus tard, à l’Ile de France – Île Maurice actuelle. Le double plus 10 piastres de dédommagement.

A bord d’autres produits notamment du café, du riz et de la viande de bœufs de Madagascar en salaison qui étaient la commande principale du voyage allait rapporter un total de 40.000 piastres. La moitié de la valeur du bateau serait ainsi remboursée en un seul voyage.

Mais la mer en décide autrement. Dans la nuit du 30 au 31 juillet le vaisseau vient s’empaler sur les récifs de l’île des Sables. Trop pressé, trop cupide, le capitaine de la Fargue n’a pas voulu écouter les conseils de prudence de ses seconds.

Dans cette nuit noire des tropiques, imaginez le choc, le craquement du bois comme un coup de tonnerre.

Hilarion Dubuisson de Keraudic, l’écrivain du bord originaire de Lorient, un méchant, violent et cupide écrivain était à bord. C’est lui, un des rescapés qui décrit la scène dans son journal : « Le vaisseau tombait sur le tribord à faire frémir… Sans mâts et sans gouvernail, en proie aux brisants et à la mer la plus terrible déferlant à plus de cinq pieds au-dessus du plus haut du vaisseau… Pendant ce temps les barreaux se cassaient sous nos pieds et enfin le pont est tombé… » (Il avait écrit un récit privé, lettre à sa famille où son racisme et son complexe de supériorité est pleinement assumé, puis un autre à publier, imprimé à Amsterdam et à Bordeaux et diffusé jusqu’à Paris pour émouvoir l’opinion publique).

Alors que le jour se lève, donc, en vue de cette fameuse île de Sable, ceux qui ne sont pas encore tombé à l’eau, comme Keraudic décide de s’y jeter pour regagner l’île. À peine a-t-il le temps d’attraper au passage une grande planche de sapin pour s’y appuyer. « Un Noir esclave se noyant voulut aussi s’en saisir, ajoute le scribe, mais deux coups de pied que je lui donnai finirent de lui ôter ses forces. (Assassinat ou droit légitime à l’élimination ?) J’entendis en ce même instant une voix qui me demandait du secours, je me renversai et vis un matelot tout sanglant qui nageait avec des forces bien abattues droit à moi. Je le devançai, il prit place sur un bout de ma planche et nous fîmes nos efforts pour gagner terre. » Dans cette débandade, le Blanc trouvera normal de ne manifester aucune forme d’humanité vis à vis des esclaves. Ce type de comportement a permis au capitaine Lafargue de ne déplorer la perte que de vingt hommes blancs (17 hommes d’équipage) durant cette affreuse nuit. 123 autres Blancs ont pu se réfugier sur la plage. Ereintés mais vivants.

La plupart des esclaves sont restés dans la cale où ils sont enfermés. Porte clouée par des planches.

Impuissants, ils ont vu l’eau monter en même temps que la panique, et puis en se brisant la coque les a libérés. Il en reste quatre-vingt-dix sur les 160. Les 70 autres sont morts noyés. On ne va pas me faire croire que pendant que l’utile est agité de toutes parts – et cela dure une bonne partie de la nuit – les geôliers ne se posent aucune question sur le sort de ces esclaves attachés dans les cales avec des portes clouées.

Décision claire : les laisser crever. C’est tout !

Mais le pire est encore à venir… L’île est hostile. C’est le sommet d’un ancien volcan hérissé de corail, est sur la route des cyclones. Il n’y a jamais eu d’habitants. Aucun bateau n’a jamais pu y accoster. Les naufragés vont tenter d’y survivre. Les rapports sont inégalitaires à la base. Donc…

Le manque d’eau se fait durement sentir et cause de nouveaux décès, chez les Noirs bien sûr, avec qui on ne partage pas les précieuses boissons sauvées.

On va collecter tout ce qui peut servir. Les esclaves travaillent de l’aube jusqu’à la tombée de la nuit aussi bien pour la collecte que pour la construction d’une embarcation pour quitter l’île. En dehors de toutes les autres taches faciles à deviner. C’est le premier lieutenant, Barthélemy Castellan du Vernet, qui a pris les choses en main puisque le capitaine, toujours considéré comme responsable du naufrage est parfaitement déconsidéré. D’ailleurs, il vit prostré. On avait dit qu’il avait perdu la raison, ce qui n’était pas vérifié !

Le 26 septembre, Keraudic écrit : « La mer belle. Le bateau fini et mouillé au large. Béni et nommé La Providence. Le lendemain, c’est le grand jour. « Lancé sont embarqués à bord 122 (cent vingt-deux personnes – rien que les Blancs), sous le regard des quatre-vingts esclaves noirs qui restent sur l’île, puisqu’il n’y a pas assez de place pour eux à bord ». Ils sont donc dans le dénuement total, abandonnés dans leur prison à ciel ouvert à une mort probable. Libre de l’esclavage mais pas libre de vivre d’espoir.

5 jours plus tard, dans la soirée du 1er octobre 1761, La Providence arrive rapidement à bon port au comptoir de traite de Foulpointe, sur la côte Est de Madagascar, là où les esclaves – fruits de razzias clandestines- avaient été achetés alors que la traite était provisoirement interdite. Le chef d’escadre Froger de l’Éguille recueille le témoignage du capitaine Lafargue, qui raconte l’aventure en détail. Il minimise toutefois le nombre d’esclaves abandonnés sur l’île, puisqu’il déclare qu’ils sont 60 au lieu de 82. Ce n’est pas là le discours de quelqu’un qui aurait perdu la tête !

Un autre bateau Silhouette, viendra chercher les rescapés blancs le 26 octobre pour leur transfert vers l’île de France (Île Maurice) dont le capitaine Lafargue, qu’on laisse crever le 12 novembre alors qu’on est en vue de l’île Bourbon (La Réunion).

Castellan du Vernet devient donc le seul héros de cette tragédie. Et pourtant c’est lui qui fait la vaine promesse de revenir chercher les esclaves. Faut dire qu’à l’île des Sables Castellan du Vernet sauve sa peau mais il a eu la douleur de voir son jeune frère se noyer sous ses yeux.

Le 25 novembre, le Silhouette arrive à Port-Louis. Le gouverneur de l’île de France, Desforges-Boucher, ne réserve pas aux naufragés le plus chaleureux des accueils. Castellan du Vernet se voie opposer un refus catégorique quand il demande au gouverneur un navire pour se porter au secours des esclaves abandonnés.

Le 1er janvier 1762, Castellan reprend du service sur le Comte de Provence.

Il continue de son côté à se tourmenter pour le sort des abandonnés.

En septembre 1772, dix ans après les faits, il écrit au secrétaire d’État à la Marine, de Boynes, pour lui demander d’envoyer un navire à leur recherche. Sans suite !

En août – septembre 1775, la Sauterelle, un autre bateau reçoit du gouverneur de Ternay l’ordre d’aller récupérer les naufragés.

Le 25 novembre 1776, la corvette La Dauphine appareille encore vers l’île, commandée par Jacques Marie Boudin de Lanuguy de Tromelin, Le soir du 28, il aperçoit dans sa longue-vue l’île de Sable. Le lendemain 29 nov, une pirogue de pêche est mise à l’eau et reliée au navire par un câble. L’officier Lepage, chargé des manœuvres y sauva sept femmes « négresses » et un enfant. Seul reste des trois cents naufragés (132 ou 142 marins + 160 esclaves + les 20 morts) qui depuis quinze ans vivaient là ! Les miraculées, semblant surgir d’un autre âge, sont vêtues de pagnes et de châles en plumes d’oiseaux marins. Accueillies et réconfortées à bord de La Dauphine, elles sont débarquées à l’île de France le 14 décembre 1776. C’est cette réussite de Jacques Marie Boudin de Lanuguy de Tromelin qui fera donner son nom à l’île.

Voici donc sans tous les détails le récit de ce qu’il en fut. Il me reste dans l’article suivant à soulever avec vous quelques petites zones d’interrogations. environ six !

Le 31 juillet 1761, un navire négrier nommé l’Utile se fracassa sur l’île de Sable, île d’un kilomètre carré, perdue en plein Océan Indien à 700 kilomètres au nord de la Réunion.

Trois semaines plus tard, le 27 sept 1961, les rescapés blancs au nombre de 122 s’enfuirent sur une embarcation de fortune en laissant derrière eux les esclaves malgaches au nombre de 82.

Quinze ans plus tard, le 29 nov 1976, 7 femmes et un enfant, furent enfin officiellement récupérés. Ils auraient survécu en se nourrissant de poissons, des oiseaux marins, des œufs, des tortues et des racines. Des fouilles archéologiques ont permis d’entrevoir comment ces femmes et ces hommes ont pu survivre avec une grande ingéniosité à partir de rien.

Aujourd’hui Tromelin reste française, l’un des lieux les plus isolés de la République, l’un des plus mal connus aussi. Avec une station météo automatisée. Mais pour affirmer sa souveraineté sur l’île, la France y maintient une présence. Trois personnes qui restent environ deux mois ce qui fait six relèves par an.

L’ONU a adopté deux résolutions, en 1979 et 1980, incitant la France à restituer ces îles à Madagascar… sans résultat pour l’instant à cause de deux richesses (allusion aux résolutions 34/91 et 35/123 de l’ONU adoptées le 12 décembre 1979, l’assemblée générale a adopté la résolution 34/91 par 93 voix contre 7, avec 36 abstentions) :

  1. Le potentiel économique de l’île se résume en 285 000 km² de zone exclusive de pêche bourrées de poissons (en rapport avec la France hexagonale + la Corse qui ne font que 345 000 km²). Il paraît que des navires chinois et japonais sévissent déjà dans la zone pour piller les fonds marins.
  2. Présence fortement soupçonnée de pétrole et de métaux rares dans le sous-sol là-bas et tout autour…

Sources des informations et écrits de Nathalie Couilloud, Max Guérout qui dirige le Groupe de Recherches en Archéologie Navale (GRAN), Institut National de Recherche en Archéologie Préventive (INRAP), TAAF – Terres australes et antarctiques françaises – Irène Frain, Sylvain Savoia, Laurent Hoarau, Thomas Romon et texte de l’écrivain du bord originaire de Lorient, Hilarion Dubuisson de Keraudic.

http://www.slate.fr/story/137603/tragedie-esclaves-oublies-tromelin

http://la5e5suitlajeannedarc.over-blog.com/article-30563944.html
https://actu.fr/bretagne/saint-malo_35288/gros-plan-sur-lile-tromelin-et-son-histoire_6612499.html
http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2017/07/27/35502710.html
http://www.lepoint.fr/actualites-sciences-sante/2007-01-17/les-naufrages-de-tromelin/919/0/15068
http://www.france24.com/fr/20151017-exposition-chateau-nantes-esclaves-traite-negriere-oublies-ile-tromelin-madagascar
https://biblogotheque.wordpress.com/tag/memoire/
https://www.francetvinfo.fr/decouverte/l-histoire-houleuse-de-l-ile-tromelin-perdue-au-milieu-de-l-ocean-indien_2020776.html

DE MICHELLE OBAMA A MEGHAN MARKLE

Le Prince et son épouse

Dans le cadre de la semaine de la Commémoration de l’abolition de l’esclavage du 10 au 19 mai 2018, le collectif pour la Commémoration a organisé dans plusieurs villes de France des manifestations en direction des enfants, des élèves et du grand public. La Maison de quartier Pasteur située dans la ville de Saint-Ouen s’est inscrite dans cette dynamique avec trois grands rendez-vous. J’eus l’occasion de participer à cette manifestation notamment à la rencontre débat spectacle le 19 mai de 14h à 20h, en clôture aux manifestations. Je fus impressionné entre autres éléments de communication par une présentation très interactive sur le marronnage, puissant mode de résistance et de combats que les esclaves avaient mis en place pour conquérir leur liberté… Ce fut par Konyah Tafarup, membre actif de l’association Kweasyon Ek Kilti et Isaco Ng Etil.

michelleEn présentant mon intervention, je débutai par l’évocation de la figure de Michelle Obama. Il s’agit d’un récit sur l’esclavage, une création fruit de quelques recherches sur les figures marquantes de notre époque et leur lien avec un passé esclavagiste – parentés ou alliés. J’y mets la figure d’une princesse, résistante aux déportations de captifs sur la Côte ouest-africaine. Des recherches et recoupements qui font remonter les racines de l’héritage africain de Michèle Obama, descendante d’esclaves qui a choisi avec son époux Barack Obama le Cape Coast Castle au Ghana pour sa première visite sur la côte ouest africaine en juillet 2009.
J’ai essayé de tisser un lien entre la manifestation principale de ce 19 mai qui est la présence de Meghan Markle, métisse, épouse du prince Harry, désormais à la table de la Reine mère d’Angleterre. Evénement plus révolutionnaire que “people”.

Pasteur Curry 2

Le percutant regard de Michael Curry qui a prêché à la cérémonie de ce mariage princier en axant son sermon sur l’amour et l’humanité en chaque individu a trouvé grâce à nos yeux. La présence de ce prédicateur au mariage n’est pas anodine. Michael Curry est le premier Révérend afro-américain a occupé le poste de président de l’Église épiscopale des Etats-Unis. Ce fut donc un symbole fort de l’introduire à la Chapelle Saint-Georges à Windsor au Royaume-Uni. En plus de cela, le choix d’une chorale gospel pour chanter « Stand be me » après son intervention était également puissant à plus d’un titre à cause d’un détail très important. La chanson « Stand be me » interprétée est inspirée du chant « Lord Stand by Me » écrit par un autre révérend méthodiste Charles Albert Tindley en 1905. Le père de Tindley était un esclave. On dit que dans le temps jusqu’aux années 60, Stand By Me était une chanson de protestation secrète. Quand elle est chantée avec We shall Overcome, également basé sur l’un des hymnes de prédilection de Tindley, vous sentirez, que vous le vouliez ou non, des frissons irrépressibles.Pasteur Curry 1

https://www.youtube.com/watch?time_continue=29&v=AyFlLjdNqk8

https://www.youtube.com/watch?v=-TMi77xXZAA

Oui, nous sommes en 2018 mais qu’est-ce qu’il reste encore tant et tant de pains sur la planche pour déconstruire les stéréotypes…

20180608_002429Ce qu’il faut au-delà de tout cela souligner est l’introduction, grâce à l’amour et au prince Harry, de Meghan Markle, dans la royauté anglaise. On n’efface pas si facilement les éléments généalogiques pour la mémoire. Il y a quelques années encore en arrière, la chose aurait fait scandale car on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Car, du côté de sa mère, Meghan Markle descend entres autres d’un arrière-arrière-arrière-grand-père esclave dans les plantations de coton de Géorgie jusqu’en 1865, affranchi seulement à l’abolition de l’esclavage. L’Abolition de l’esclavage aux Etats-Unis d’Amérique prend effet le 18 décembre 1865, soit 17 ans après la France.20180608_002527 Selon les généalogistes, la lignée du grand parent esclave affranchi de l’épouse du Prince Harry n’est loin de nous que d’un siècle et demi (1865 -2018 soit 153 ans). L’arrière-arrière-arrière-grand-père de Steve R. Ragland, né le 8 avril 1908 et décédé le 7 mai 1983, père d’- Alvin Azell Ragland, né le 21 février 1930, décédé le 12 mars 2011 à Los Angeles. Le papa de Dorian Ragland, la maman de Meghan Markle vient de là. Cette dame aura exprimé l’émotion de voir sa fille monter si haut juste en effaçant dignement une larme…

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A l’heure du bilan après les deux mandats de Barack Obama soit huit ans à la Maison blanche, les noirs ne sont pas en meilleure posture ni mieux considérés aux Etats-Unis. La pauvreté, les inégalités raciales et les violences policières envers les Noirs sont non seulement encore et toujours présentes mais certains pensent que s’ils n’ont pas reculé alors c’est qu’ils ont automatiquement augmenté. Donc l’espoir né chez les 90% des afro-américains qui avaient voté pour quelqu’un à qui ils s’identifiaient est tombé à plat. Il y avait là un grand enjeu politique.

Avec Rachel Maghan Markle de Sussex il n’y a pas les mêmes enjeux. Donc c’est une entaille extraordinaire sur le regard à porter sur les noirs. Pour preuve, souvenez-vous du courageux Toyin Agbetu qui a osé interrompre la cérémonie commémorative organisée dans le cadre du 200ème anniversaire pas de l’abolition de l’esclavage (juillet – août 1833 dans l’ensemble de l’Empire britannique comme mentionné partout mais de l’abandon de la traite obtenu en 1807. Encore une toute autre histoire… Toyin Agbetu a surgi pour secouer le cocotier à l’Abbaye de Westminster le 27 mars 2007. Souvenirs dans la vidéo 1 ou 2. Toyin

https://www.youtube.com/watch?v=L9h_VVqIatY

https://www.youtube.com/watch?v=U0qWkRrABXQ

toyin 2

Maintenant disons tout simplement : wait and see ! Avec une attention toute particulière sur les deux plus fortes interpellations du Révérend Michael Curry : voir en chacun une noble humanité inviolable et l’aborder avec amour avec un grand A. En face de lui deux bougies vacillant sous le doux souffle de la regrettée Lady Di- https://www.youtube.com/watch?v=yj5F2oS_yiQ

RKF 8 juin 2018

Etre né de la femme… un jour de tous les 365 de l’année

Pour rendre hommage à toutes nos mères.

Femme

Suis né de la femme aussi pure que le kaolin.
Viens d’une mère aussi profonde que la mer.

Je sors d’un secret dessein qui s’appelle désir
Elle a voulu de moi et j’ai répondu présent !

Quand je vois cette femme,
Je revois la mère. Mon ADN.

L’unique ovule source du choix de moi
Moi si fragile mais déjà fort et si précieux
Parmi des millions d’autres, tous désespérants.
Aucun d’eux ne se souvient d’avoir joué et perdu.
Je suis là pour le leur prouver, pauvres fantômes

A peine des gisants inutiles, ignorés, incongrus rejetés

Aux vidoirs d’autres de vos semblables de perdants,
En disant cela je parle au nom de tous les vainqueurs
Lui, toi, moi… nous tous, éliminateurs peu volontaires.
Alors à vous qui êtes si nombreux, arrêtez de nous hanter,
Laissez-nous louer l’ovule engageant, le choix de maman.

Car depuis lors,

Dans mes yeux agités,
Dans mon regard embrouillé,
Le nez collé à son sein bien chaud
J’ai ingurgité du lait et de l’effluve.

Quand aujourd’hui, survivant d’elle,
Je me remémore, je repasse en revue
Cette vieille dame, mère de mon humanité

Cet océan de tendresse et de sévérité
Ce ciel d’attention et de protection
Ce cordon ombilical jamais coupé
Qui fut le grand puits suave et profond
D’attendrissement et d’effervescence
Où couvèrent les germes de mon devenir
Les souhaits de mon parvenir
Les bontés de mon égoïsmeFemme 5

Fille – terre

Femme – eau

Mère – feu

Moi – air

Fait de bois et de fer

Et surtout d’Amour

De souhaits et de réalités, palpables ou virtuels

J’existe. Que nul ne se trompe…
Tous autant que nous sommes, on existe.
Furtifs, éliminateurs, assassins, nous sommes !
Car de vous à moi, on n’est pas dupe sur ce coup-là !

Femme 2

Moi, je m’en suis rendu compte tout de suite
En me mirant dans son regard tel une vraie glace
Et en arpentant son sourire en fuite, oh, débordant !

Quelle saveur de vie pour une liberté rejetée
Choisie au détriment d’un bonheur sacrifié
Vendue l’identité profonde d’une fortune
Pour le choix permanent d’un hasard ?

Femme 3

L’heure est venue de te rendre au centuple
Tout ce qui a été semé par vents défavorables.
Pour tes souffrances,
Ces douleurs uniques et inédites,
Ce ramassis de colère et de peur
Ces orgueils du morpion braillant
Ces nuits d’insomnies et de déprime
Tous ces désagréments incongrus

Je te dis : oublie et retourne heureuse
Sans avoir à me porter à nouveau.
Des mêmes identités lointaines
Je suis à présent trop grand, trop chargé
Trop lourd de la même similitude
Trop fier des mêmes affinités
Mais toujours enfant, ton enfant.
Et

Femme 4Comme tous mes semblables qui aussi de leurs mères
Peuvent brandir les mêmes héritages du recommencement
Gardons tous de vous autres, les meilleures réminiscences.

RKF le 8 mars 2018 dans le cadre de la Journée internationale des Femmes.

AU-DELÀ DES ELECTIONS EN FRANCE : IMPOSTURES, PROJECTIONS, ILLUSIONS…

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Au-delà des élections en France
Projection dans les impostures

 

 

Africains, tous bords, où en sommes-nous au juste ?
Je suis né après les indépendances africaines
De Gaulle avait déjà parlé à Sékou en Guinée
Il avait piqué une sourde colère et sévi derrière.
Plusieurs étaient jeunes et n’avaient pas tout compris !
Pompidou plus tard a calmement suivi ses traces
Il a poétisé toute l’affaire et on y a vu que du feu !
Bokassa pensait que Giscard d’instinct l’aimait
Lui qui vénérait la France au même titre que Dieu.
Avec les diamants, il a découvert autrement l’ami,
Et enfin comprit que le vrai Dieu c’était le grisbi.
Chirac se plaignait juste des bruits et des odeurs,
Des étrangers nombreux dans les logements sociaux
De la polygamie et de toutes ces familles nombreuses,
Suivez bien mon regard et vous vous sentirez morveux !

 

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Le grand socialiste Michel Rocard [1] avait alors prit la parole
Pour prôner la bonne nouvelle, mal entendue à l’époque :
« La France ne peut accueillir toute la misère du monde.
Cependant elle prendra sa part. Oui, comprenez bien,
Cela veut dire une part minuscule de chez minuscule !
C’est là où François Mitterrand intervient et insiste :
Si un dictateur change et développe la démocratie
Et le multipartisme dans son pays, il sera soutenu.
Sans démocratie, aucune aide à espérer de l’Occident !
Cotonou puis La Baule, Lomé, Kinshasa sont passés par là !
Abidjan, Kigali, Brazzaville, Libreville, Niamey et Bamako
Courraient toutes derrière la bonne manne occidentale.
Eyadema, Kérékou, Bongo et autres Sassou ont rebondi.
Tandis que Dakar, Cotonou et Accra faisaient bonne figure
Ouagadougou, Kinshasa, Alger, Douala, Conakry geignaient !
Très vite le verdict va clairement tomber d’un successeur
« Mais, l’Afrique n’est pas encore mûre pour la démocratie »
Signe Jacques Chirac sans vergogne et là aussi, il avait raison.
Celui-là est une verve bien déliée, qu’on le veuille ou non !
Contrairement à la plume malveillante du fourbe Henri Guaino
Qui servit à son mentor surexcité Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa
Cette phrase non soupesée et proclamée par le Chef d’Etat,
« L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » dixit ![2]
Il s’est immédiatement mis à dos beaucoup d’intellectuels
Notamment les penseurs et tous les historiens du continent.
Mais pendant qu’ils répondaient dans un ouvrage collectif
Aucun Chef d’Etat africain honni, insulté et ainsi rabaissé
N’a manifesté une exaspération digne de l’humiliation subie.
Sarko reste ainsi dans l’esprit africain définitivement résilié,
Avec l’éternelle malédiction de l’assassinat du guide Kadhafi.

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Le dernier en date arrive avec des slogans réconfortants.
Et on l’a cru « Le temps de la Françafrique est révolu !»
Sankara, Lumumba, Olympio… vont-ils être ressuscités ?
Non, pas du tout, Gbagbo restera en exil, loin des Ivoires.
Alors qu’il volait -fort heureusement- au secours du Mali,
Il collaborait avec quelques pires dictatures du continent
Tout en les dissuadant de transformer leur Constitution
Dans le but d’éviter l’alternance et s’éterniser au pouvoir.
Il fut beau parleur, faible agissant, absent à lui-même.
On retiendra de lui l’image d’un simpliste consensuel,
Un bon rêveur incompris qui aura tout fait de travers.
Sauf aux Maliens, quel souvenir laissera-t-il aux africains ?
Celui d’un homme qui n’a pas su tenir à sa propre parole.

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La françafrique a prospéré et les constitutions modifiées,
Les dictateurs et les dictatures globalement renforcées,
Les peuples méprisés, oppressés, opprimés et étouffés
On parle partout du plus grand crime du colonisateur,
Après l’esclavage, la colonisation et le néocolonialisme,
Celui du Franc CFA, commune à quatorze pays africains
Initialement, 1939, franc des Colonies françaises d’Afrique
Devenu 1958, franc de la communauté française d’Afrique
Puis ce sera franc de la communauté financière d’Afrique
Et franc de la coopération financière en Afrique centrale
La réalité est la même et on ne nous dit vraiment pas tout.

Mais qui de De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand,
Ou encore de Jacques Chirac, Sarkozy ou Hollande
Pensez-vous, aurait fait changer semblable situation ?
Mai 2017, un nouveau Président prendra le grand pouvoir
Dans une France aux fondations menacées de toutes parts.
Voté ! Qui et quoi qu’il en soit, soyez-en bien persuadés,
Zéro changement à espérer pour la bonne vieille Afrique.
Regain d’exploitations, d’oppressions, de courbettes…
Ceux des candidats qui pouvaient entendre les doléances
De vils Africains ballottés entre la souffrance et le mépris,
Restent des utopistes qui reviendront postuler en 2022.
Ici le slogan majoritaire légitime reste « la France d’abord ».

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Continent noir, avec des enfants engourdis de désespoir,
Englués dans la naïveté de l’hypothétique sauveur
Posé sur un sous-sol riche à foison, un soleil permanent,
Une énergie à nulle autre pareille, une résistance infinie,
Individualités épatantes mais des collectifs inconciliables.
L’ensemble toujours infantilisé, rabaissé, moqué, dénié,
Cela aussi fait partie de la belle stratégie d’exploitation
Quand comprendrons-nous que la France n’a pas d’amis ?
Encore moins l’Europe, il en est ainsi de tous les pays !
Il n’y a, disait l’autre, que des intérêts, de la domination.

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Dirigeants choisis, prenez au sérieux le développement !
La nature vous a dotés pour façonner des peuples heureux,
Mobilisez différemment vos potentiels, vos projections !
Doux rêveurs, s’il vous plaît, il est temps, réveillez-vous,
Il vaudra toujours mieux tard que jamais. Croyez-moi !
Ceci n’est rien de nouveau. Mais on ne le dira jamais assez !

 

***********************

[1] – Voici avec précision ce que Michel Rocard aurait concrètement dit dans un discours prononcé en février 1989 lors du 50e anniversaire de la Cimade – « Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués » : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite décemment la part qu’elle ne peut ne pas prendre. »

[2] – Tiré du discours de Dakar prononcé par Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007, à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Sénégal), en tant que président de la République française devant des étudiants, des enseignants et des personnalités politiques. Il se met ainsi à dos beaucoup d’intellectuels en tête desquels tous les historiens du continent

RÉFLEXIONS ET MÉDITATIONS DIVERSES – Temps 1 version 2

Pour Noël

un-enseignant-precepteur

La veillée commença ainsi la joie d’un chant entonné par l’Enseignant-Précepteur.
« Le monde est beau,
Mais les gens sont faux
Les rendez-vous au berceau
Feront des êtres nouveaux »
Personne n’en comprenait la teneur. Les mots qui le composaient étaient durs comme le cœur d’un dictateur mais la mélodie douce comme la caresse innocente du nez d’un bébé sur le sein maternel. Quelques temps après, le ciel se dégagea laissant la nature embrasser la pâle lueur de la lune, celle qui suffit à éclairer une veillée encerclée de torches aux reflets orange. La nuit avance à pas de tortue. L’Enseignant-Précepteur après deux mots de passe accueilli avec des réponses appropriées se lança :
La question que pose la mort à tous les humains est la suivante : « Qu’as-tu fait de ta vie ? ». La question que pose la vie est : «As-tu le temps ?». La question que pose le temps est : « Es-tu présent à ce que tu fais, à ce que tu vis ? ».
Pour essayer de répondre à ces questions, sans même prétendre bien y répondre, il y a un raccourci qu’on peut prendre avec les cinq natures de l’homme, les cinq matières et les cinq sources d’éducation qui régentent notre univers et qu’il faut connaître. Ces natures, ces matières et ces sources établissent entre elles une correspondance dont aucun individu vivant sur l’un des cinq continents ne peut faire abstraction. Car si les êtres sont connectés entre eux par des ondes visibles et invisibles, la nature, les continents et l’espace infini restent également et absolument reliés. C’est ce que nous croyons comme plusieurs autres personnes.
Nos natures : humaines, animales, environnementales, divines et secrètes, s’appuient sur les matières que sont l’eau, le fer, le feu, le bois et la pierre. Ou encore sur un autre plan le ciel, la terre, le nucléaire, le vent puis le végétal.
Aujourd’hui, pour accéder à l’ensemble des savoirs et des connaissances qui nous permettent d’avancer, d’évoluer de mûrir … il y a cinq sources d’éducation liées entre elles : la famille, l’école, la rue, le groupe des amis (ou des pairs) puis les médias, (NTIC – Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication aux ramifications très étendues). Nous avons en fait, avec ce réseau de diffusion de savoirs, tout pour nous suffire et nous auto-suffire. « Soyons les uns pour les autres, dit alors l’Enseignant-Précepteur, nos propres médecines et nos propres médecins, nos calmants et nos euphorisants, nos antalgiques, nos élixirs de jouvence, nos antidépresseurs, nos philtres d’amour, bref nos propres meilleurs remèdes. ». Nous parlons là de savoirs et de connaissances sûrs et non d’informations, de rumeurs, de propagande et de manipulation des esprits auxquels s’adonnent également les médias et des cercles comme les églises, les temples, les synagogues, les mosquées et autres cercles sectaires…
« Si, après avoir pris conscience de tout cela, ajouta l’Enseignant-Précepteur, on ne peut compter sur rien ni sur personne, c’est qu’on aura fait une erreur de calcul quelque part. Et cette erreur de calcul se situe probablement au niveau des émotions, des sentiments et des sensations que nous autres humains nous nous évertuons à trop cacher ou à trop montrer. En règle générale, on sait par exemple que tout est toujours nouveau pour ceux qui savent se glisser dans les petits souliers d’un grand bonheur, un nouveau destin amoureux ou un nouveau champ de détestation et de haine par exemple. Cela décuple leur émotivité. Cela augmente leur sensibilité et leur réception des énergies de la vie, de la joie et de la souffrance, du désir et des déceptions. Autant d’éléments qui font qu’on se sent vivant et doter d’ailes d’oiseau ou de jambes en plomb.» Ainsi parla clairement l’Enseignant-Précepteur !
Et pour finir, il prit le temps d’insister sur deux autres conceptions qu’il développa longtemps avant de conclure de la façon suivante : «Pour ceux qui croient, aucune preuve n’est nécessaire. Et pour ceux qui ne croient pas, aucune preuve n’est suffisante.»

***************

?

Mais revenons au début de cette histoire de Noël ! Pendant que l’historien compile ce qui a été accompli pour argumenter, le conteur imagine les faits pour combler les vides.
A l’époque donc pas de NTCI. Mais au rendez-vous dans la bergerie, des envoyés spéciaux tout de même. Certains disent que c’est les trois rois mages. D’autres affirment qu’il y en avait un quatrième : un genre d’agent secret, d’espion commis à la cause, celui qui ne donne pas sa vraie carte de visite, vous voyez ? Peu importe ! Attention, pour bien rentrer dans l’affaire, il faut faire black out de tout ce qu’on avait emmagasiné avant dans sa cabosse. Faire le vide total ! Remonter à vingt siècles et seize ans en arrière ! Pas facile mais essayez tout de même ! Le gamin naît à Bethléem dit l’historien. Une ville située en Cisjordanie. Depuis 1995, aux termes des accords d’Oslo, la ville est théoriquement sous administration de l’Autorité palestinienne bien qu’une partie importante de l’agglomération (85 %) soit en réalité administrée par Israël. (Wikipédia)
Il était avec ses parents, des migrants -comme il y en a eu de tous temps jusqu’à nos jours où c’est fortement revenu à la mode- et nos fameux envoyés spéciaux aux intentions nobles. Ils ne viennent pas avec des parchemins pour témoigner mais des cadeaux pour faire allégeance directe… Et plus rien. Sauf deux traces préalables au temps des miracles.
tant-que-je-reste-un-enfant-je-ne-lache-rien     Avant ses deux ans, l’exil en Egypte, traditionnelle terre d’asile des éternels réfugiés palestiniens. Il fallait que ses parents l’y amènent, sinon on le trucidait ! Et puis gros vide jusqu’à ses douze ans où le gamin, âgé de douze ans est recherché puis retrouvé. Confortablement installé dans un temple en grande compagnie avec les docteurs de la foi, lors d’un pèlerinage à Jérusalem… Je dis gamin car s’il s’appelait déjà Jésus Christ, personne au monde ne le connaissait vraiment ! Avouons-le ! Comme tous ces gamins actuels : martyrs à Alep, en Irak, au Yémen, à Kinshasa et dans bien d’autres coins du monde…
On entendit alors un chant fuser de nulle part repris en chœur progressivement jusqu’à ce que ce chant d’une mélodie très simple s’empare de toute l’assemblée avec son refrain qui disait :
« Le monde est beau,
Mais les gens sont faux
Les rendez-vous au berceau
Feront des êtres nouveaux »
Oublions les autres refrains, sans intérêt.le-ciel-men-est-temoinet-la-lune-veille

La veillée se poursuivait ainsi dans la joie de ce chant. Quelques temps non loin de ce moment-là, des nuages en vadrouille voilèrent le ciel précédemment illuminé par la lune, occultant le tapis d’étoiles apparu au mitan de la nuit.
Peu de lumières brillaient sur les maisons. Les torches qui flambaient au loin délimitaient la frontière entre le lointain regard et le ciel fini, abouti comme embouti, créant l’illusion d’une splendeur infinie telle un fragment de rêve accessible et fugace à la fois.
A suivre…

?Extrait de la charte de la confrérie des chasseurs mandingues, empire du Mali, XIIIème siècle…

REFLEXIONS ET MEDITATIONS DIVERSES – Temps 1 version 1

 

Où allons-nous ainsi ? Que voyons-nous ainsi ?
Où allons-nous ainsi ? Que voyons-nous ainsi ?

La question que pose la mort à tous les humains est la suivante : « Qu’as-tu fait de ta vie ? ». La question que pose la vie est : « As-tu le temps ? ». La question que pose le temps est : « Es-tu présent à ce que tu fais, à ce que tu vis ? ».

Pour bien répondre à ces questions, il faut connaître les cinq natures de l’homme, les cinq matières et les cinq sources d’éducation qui régentent notre univers. Car ces natures, ces matières et ces sources établissent entre elles une correspondance dont aucun des cinq continents ne peut faire abstraction.

Nos natures : humaines, animales, environnementales, divines et secrètes, s’appuient sur les matières que sont l’eau, le fer, le feu, le bois et la pierre. Ou encore sur un autre plan le ciel, la terre, le nucléaire, le vent puis le végétal.

Voyez-vous autant que moi si petit et si beau ?
Voyez-vous autant que moi si petit et si beau ?

Aujourd’hui, à partir des cinq sources d’éducation liées entre elles, que sont la famille, l’école, la rue, le groupe des amis puis les médias, (NTIC – Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), nous avons en fait tout pour nous suffire et nous auto-suffire. « Soyons les uns pour les autres, dit alors l’Enseignant-Précepteur, nos propres médecines et nos propres médecins, nos calmants et nos euphorisants, nos antalgiques, nos élixirs de jouvence, nos antidépresseurs, nos philtres d’amour, bref nos propres meilleurs remèdes. »

danger-permanent« Si, après avoir pris conscience de tout cela, ajouta-t-il, on ne peut compter sur rien ni sur personne, c’est qu’on aura fait une erreur de calcul quelque part. Et cette erreur de calcul se situe probablement au niveau des émotions, des sentiments et des sensations que nous autres humains nous nous évertuons à trop cacher ou à trop montrer. En règle générale, on sait par exemple que tout est toujours nouveau pour ceux qui savent se glisser dans les petits souliers d’un grand bonheur, un nouveau destin amoureux par exemple. Cela décuple leur émotivité. Cela augmente leur sensibilité et leur réception des énergies de la vie, de la joie et de la souffrance, du désir et des déceptions. Autant d’éléments qui font qu’on se sent vivant et doter d’ailes d’oiseau ou de jambes en plomb. » C’est l’Enseignant-Précepteur qui parla ainsi !

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Et pour finir, il prit le temps d’insister sur deux autres conceptions qu’il développa longtemps avant de conclure de la façon suivante : « Pour ceux qui croient, aucune preuve n’est nécessaire. Et pour ceux qui ne croient pas, aucune preuve n’est suffisante. »

On entendit alors un chant fuser de nulle part repris en chœur progressivement jusqu’à ce que ce chant d’une mélodie très simple s’empare de toute l’assemblée avec son refrain qui disait :

« Le monde est beau,

Mais les gens sont faux

Les rendez-vous au berceau

Feront des êtres nouveaux »

La veillée se poursuivait ainsi dans la joie de ce chant. Quelques temps non loin de ce moment-là, des nuages en vadrouille voilèrent le ciel précédemment illuminé par la lune, occultant le tapis d’étoiles apparu au mitan de la nuit.

20160816_190145Peu de lumières brillaient sur les maisons. Les torches qui flambaient au loin délimitaient la frontière entre le lointain regard et le ciel fini, abouti comme embouti, créant l’illusion d’une splendeur infinie telle un fragment de rêve accessible et fugace à la fois.

Le pays pendant ce temps ressemble à un chantier. Tout est entamé, rien n’est achevé. L’inachevé semble être le leitmotiv, la devise, l’objectif. Même le moral des gens reste inachevé, leur courage inachevé. Les vies qui arrivent là depuis des utérus fatigués par la maladie, la maltraitance ou la frigidité extrême installée par des actes trop rapides, imprécis et négligés sont inachevées. La plupart des êtres ainsi générés repartent inaccomplis. Pas longtemps après avoir vu le jour. On parle de forts taux de mortalité infantile dans ce jargon qui dit tout sans rien dire. Jargon propice à l’expression de l’inachevé. Il enferme les douleurs tues, les rêves brisés, la conscience de « l’in importance » absolue. Déchets humains : taisez-vous !

entrainement-en-temps-de-paixSous ces tropiques-là, aussi bien dans les actes que dans les discours, on cultive l’approximatif, l’imparfait ou l’incomplet comme une plante des quatre saisons. Avec toutes les variantes saisonnières possibles, qui vont de la déprime au découragement, en passant par le désintérêt, avant d’aboutir finalement à l’inutile. Ce que nous désignons par « l’in existentiel ». Le pire dans l’histoire reste l’extraordinaire capacité d’adaptation de la plupart des individus. Fermement ancrés dans le rêve du mieux-être, ils ne savent pas décoder le message que la vie renvoie suite à chaque expérience. Quelles qu’en soient les situations, les pires atrocités se diluent dans l’oubli ou l’impertinence. Ce qui rend floues et invalides nos perceptions du bien et du mieux-être. Au point de faire oublier à l’Europe la chance qu’elle a. Et de minimiser dans l’esprit africain les malheurs qu’on lui inflige.

nature-paisible-1La craintive gaucherie généralisée qui nous enferme dans l’hypocrisie collective ne dérange personne. On feint de n’en être point conscient puisqu’il n’y a aucune règle établie sur place qui soit la référence. Au contraire, il suffit de faire semblant pour paraître et parfois paraître pour se donner l’impression, enfin, d’être. C’est pourquoi la vie trouve, ici et là-bas son ultime fondement sur deux socles : D’une part l’argent et de l’autre la spiritualité…

Quel gâchis !!!??? !!!???sollicitation

 

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La suite bientôt dans Réflexions et méditations diverses – Temps 2

LE CROUTON DE GRAND-PERE

4C’était à l’occasion de l’anniversaire de Grand-père. Il faut dire que cet anniversaire est un événement très spécial. Les cinquante ans de mariage de Papi et Mami se fêteront. 5, un chiffre complet comme les cinq doigts de la main et O, rond comme un œuf qui contient toutes les vitamines. Anniversaire cumulé avec ses quatre-vingt-cinq bougies. Grand-père tenait à nous voir tous réunis autour d’eux. C’est ainsi que nous étions vingt-sept encerclant plusieurs grandes et longues tables mises bout à bout et couvertes de nappes blanches. Enfants, petits-enfants et quelques amis. La famille presqu’au grand complet ! Ce qui faisait le piment de cette occasion exceptionnelle, c’était aussi la présence des jeunes couples à savoir les fiancés des benjamins et benjamines de la troisième génération. L’atmosphère festive était détendue. L’apéritif avait permis de déguster des alcools de tous genres, de la sangria, quelques mélanges exotiques et même du bissap, extraordinaire fleur d’hibiscus à la couleur rouge-sang, agrémenté de jus de gingembre pour adultes. Donc les esprits étaient bien vifs. Personne ne pouvait s’imaginer que la joie immense de Grand-père l’avait porté à boire un coup de trop. Lui toujours si sobre et si responsable ! Je le remarquai lorsqu’il alla, titubant légèrement, s’installer à la place du chef de famille comme l’exige la tradition. Et comme il adore le faire.

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Pour tous les autres, le signal pour passer à table était ainsi donné. Nous savions tous qu’à la droite de Grand-père devait s’installer Grand-mère. Nous savions également tous qu’à l’autre bout opposé devait s’installer oncle Tonyno, l’aîné de Grand-père, fils unique d’une mère inconnue pour qui chacun témoignait du respect parce qu’il était non seulement l’héritier en chef mais également un bon rassembleur. Son seul handicap, il n’avait pas d’héritier, ayant passé trop de temps à chercher sa mère à travers des femmes ménopausées. Son seul défaut, il était plus solide qu’on roc et tenait la famille d’une main de fer… Néanmoins, la place la plus convoitée à ces occasions-là est celle à gauche de Grand-père. J’ai le souvenir qu’à certaines fêtes, elle était restée libre pour l’invité mystère de la dernière heure qui parfois venait. Ou pas. Mais le plus souvent c’est Grand-père qui désignait celui qui méritait de s’asseoir là. Parce que ce dernier avait la chance de recueillir quelques confidences. C’est la place de l’oreille qui dégustait les souvenirs qui arrivaient sur le tard. Et pour ces quatre-vingt-cinq ans, Grand-père n’avait trouvé rien de mieux à faire que de désigner pour cette place d’honneur le seul étranger de l’assemblée, un garçon bizarre, genre albinos, ramené là par sa petite-fille la plus rebelle de la lignée.

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A ce choix, chacun marqua un petit étonnement vu que le patriarche, rien qu’en regardant passer des antillais à la télé, tenait souvent des propos que personne ne pouvait répéter sur la place publique. Ils sont très beaux mais… Une petite rougeur se dessina alors au bout du nez de Grand-mère mais elle ne fit aucun commentaire, comme d’habitude. D’ailleurs, elle parlait peu, refusait systématiquement de contredire son homme, se contentant à peine de maugréer lorsqu’il dépassait certaines limites. Le jeune homme était assez frais, détendu. Sur son visage se dégageait une certaine innocence. On voyait clairement qu’il était lui là, sans a priori et qu’il ne se sentait pas lui-même étranger ni différent d’aucune façon. Il battait les paupières en double, à chaque fois et de façon assez rapprochée. Il avait un beau visage qui plaisait à tous et on pouvait penser que cela lui avait fait gagner l’affection rare de Grand-père aussi.

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La preuve en était que lorsque Grand-mère avait posé juste en face sa corbeille de pain, le frêle jeune homme tendit la main et y attrapa presqu’à la volée le crouton. Mal lui en a pris ! Avant même qu’il ne fit le geste de le rompre pour le porter à sa bouche, Grand-mère le fusilla du regard, l’interrompit prestement avec la formule :
– Oh non, pas le crouton ! Le crouton c’est pour Grand-père !
Le son était sec, direct, incisif. Et cette fermeté mit le jeune homme mal à l’aise et on vit ses narines se contracter et se décontracter nerveusement. Alors la main tremblante, il remit très vite le crouton pendant que Grand-père en riant, l’encouragea à le reprendre en ces termes :
– Prends ce bout de pain et mange-le, pauvre affamé !
Le jeune homme tendit à nouveau le bras mais Grand-mère fut plus rapide et tira la corbeille vers elle. Elle s’empara elle-même du crouton et le posa délicatement sur la serviette de Grand-père. Pendant qu’elle manœuvrait ainsi, elle répéta à haute voix pour que tout le monde l’entende :
– Jeune homme, je te répète que le crouton est réservé à Grand-père et ça, ça se respecte !

?

Puis de nouveau, elle remit la corbeille de pain à sa place initiale pensant avoir réglé le problème une bonne fois pour toutes. Mais c’était peine perdue. Car Grand-père se saisit du crouton et le tendit au jeune homme en répétant :
– Prends ce bout de pain et mange-le, pauvre affamé, venu de loin !
En voyant ses yeux exorbités, on sentit monter la colère de Grand-mère. On ne savait plus ce qui la contrariait. Etait-ce le caractère diffamant des propos de son vieux mari ou était-ce le fait qu’une tradition allait être brisée en ce solennel jour de fête ?
Elle tança le jeune homme avec véhémence et lui ordonna de lui remettre ce bout de pain. Puis, se tournant vers Grand-père, elle lui dit d’un ton coléreux :
– Cela fait bien soixante ans que nous nous connaissons, cinquante ans que nous sommes mariés, cela fait donc un bail que tu aimes manger le crouton et que tu le manges au quotidien ! Cela fait bien soixante ans que tu ne laisses personne en profiter. Même pas moi qui suis ton épouse. Et ce n’est pas en ce jour de double anniversaire que cela va changer ! Ce crouton-là, je te jure que c’est pour toi et c’est toi qui va le manger, sinon…
Sur ce, Grand-père rebondit avec vivacité en répondant du tac au tac :
– Sinon quoi ? Sinon, quoi ? Oui ça fait bien cent ans que nous sommes mariés, ça fait bien cent ans que tu m’imposes le bout du pain, je n’aime pas le crouton et je peux te dire que ça me sort par le nez et par les pores que tu me donnes du crouton prétextant que j’aime ça ! Je peux même te dire que j’ai fini par détester cette terrible habitude que j’ai prise de manger le crouton pour te faire plaisir. En ce jour anniversaire enfin, je vais pouvoir me libérer publiquement de cette corvée. Ce crouton-là, je le donne à ce jeune homme et c’est lui qui va le manger. C’est tout ! Désormais ne me sers plus d’extrémité ! Donne-moi les tranches moelleuses dont tu te régales au quotidien en jubilant de me voir me casser le dentier sur le crouton.

?

Surprise générale ! Pour la première fois de leur vie, Grand-père et Grand-mère parlent publiquement en élevant la voix. Ce spectacle unique laisse le monde alentour complètement atterré. Personne n’osa placer un souffle plus fort que l’autre, encore moins un mot. Et au cœur de ce lourd silence, on entendit s’élever à travers des sanglots, la voix de Grand-mère accablée, partir dans un monologue. Les eaux calmes sont les plus dangereuses, dit-on.
– Et dire que ça fait soixante ans que Monsieur me prive d’une chose que j’adore particulièrement et maintenant il se permet de se plaindre que c’est moi qui lui imposait de manger les croutons ! Depuis quand m’as-tu proposé de partager avec toi l’un des deux bouts de nos pains ? Pas une seule fois durant toutes ces années. Comment peut-on prétendre manger coup sur coup deux croutons pendant soixante ans en étant forcé et contraint ? Alors qu’on avait toutes les opportunités de s’en priver, ne serait-ce qu’une fois pendant les périodes de maladie. Et moi qui te voyais savourer et jouir sadiquement du crouton avec une voracité sans borne, tu veux aujourd’hui me faire avaler cette couleuvre en disant que tu t’obligeais pour me faire plaisir ! Non, je refuse. Parce que c’est tout simplement inadmissible ! Ce crouton-là, je te jure que c’est pour toi et c’est toi seul qui va le manger, sinon…  6
– Non, ce crouton-là, je ne le mangerai pas ! Pourquoi durant toutes ces années m’as-tu systématiquement servi les croutons sans en garder un pour toi ?
– Pourquoi toutes ces années tu as mangé les croutons que je t’ai servis sans rechigner ?
– Je te le dis et je te le répète, c’était pour te faire plaisir, c’était par amour !
– Et moi qui ai passé soixante ans à te les servir pour te faire plaisir et à m’en priver également par amour. Qu’est-ce que nous avons été cons !
Ils se chamaillèrent ainsi un bon moment encore… Chaque parole grimpant sur l’autre à la vitesse de la voix qui monte en crescendo. Très vite ces deux-là sont devenus esclaves des mots qu’ils n’auraient pas dû prononcer…

?

Entretemps, personne n’avait remarqué que l’oncle Tonyno, s’était retiré de la fête ! Son célibat l’avait endurci et cette querelle de couple ne le distrayait plus.
Les enfants et les petits-enfants – sans piper mot – étaient très surpris de voir pour la première fois leurs parents et grands-parents si aimants se déchirer, si publiquement et sans retenue. Au-delà de l’étonnement, de la gêne et du trouble qu’installait cette scène, ils ont tous fini par comprendre que dans tous les couples du monde, une telle situation pouvait être facilement évitée grâce à un bon sens de l’observation et à une qualité indéniable : un dialogue « d’entendants », la communication.
C’est cette aptitude indéfectible que le crouton de Grand-père nous invite à développer.

?                   A Perrine et à Perrin, qui se reconnaîtront !

BONNES NOUVELLES – OUI, RIEN QUE ÇA !

1Nous sommes dans un univers où nous voulons tous que quelque chose d’extraordinaire et de spectaculaire se passe au quotidien. Tout le temps ! N’importe quoi ! Pourvu que ce soit quelque chose de dynamique, de nouveau, d’insolite, de spécial : un peu en bien mais de préférence beaucoup en mal. Nous sommes des consommateurs de la violence événementielle.
C’est ainsi que, sachant cela, nous sommes pris en otage par les chaînes d’info au kilomètre et les radios surtout avec leurs journaux quotidiens en rendez-vous fixes. Chaque ouverture sert à donner de mauvaises nouvelles. L’information à la une est toujours le truc le plus moche du moment (et souvent à caractère sensationnel). En surenchère, de chaîne en chaîne et de station en station ! Et on y sent, malgré les masques divers, l’extrême délectation des journalistes, un malin plaisir à dire « ceci est une exclusivité de notre chaîne ».

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91112Imaginez un autre journal télévisé.
Après le générique habituel, musique chronométrée, en crescendo, élément élaboré après de longues études pour frapper les esprits. La mission du générique en soi est d’accoutumer les inconscients, aiguiser les subconscients afin d’attirer l’attention consciente de millions de spectateurs vers la chaîne télé. L’impératif : focaliser leurs yeux du monde sur le petit écran qui veut apporter une preuve qui est « nous détenons la vérité !»

2Maintenant imaginez, avec n’importe quelle présentatrice ou présentateur après le générique ceci, juste en ouverture du journal :

« Mesdames, mesdemoiselles et messieurs – honorables et respectueux téléspectatrices et téléspectateurs, bonjour! »
Le monde est beau, tout va bien, la vie partout est belle, alors vaquez à vos occupations habituelles. Nous mettrons ici sur l’écran de la musique dansante. Puisque tout baigne, appréciez cette musique et danser à loisir. C’est le moindre mal que vous puissiez vous faire !
Nous vous donnerons dans trente minutes la météo et plus tard les adresses des différents autres lieux de fête ville par ville.
Et pour ceux qui ne veulent pas sortir, nous vous informerons des bonnes réussites que le monde a enregistrées ces derniers temps, les belles choses et les inventions utiles à notre bien-être et à notre évolution… »

Oui, oui, imaginez ceci juste deux à vingt secondes !
Les premiers à appeler la régie de la chaîne seront les hommes politiques. Pour dire « nous faisons tout un tas de choses dont vous devriez absolument parler. Bon, n’insistez pas vraiment sur les faits mais sur nous, les acteurs ! » 

8Les seconds à téléphoner à la régie seront les émissaires, sous-fifres du pape qui demanderont avec colère : « qu’est-ce à dire cette farce à l’ouverture du journal ? Voulez-vous sous-entendre que Dieu dort ou qu’Il est agonisant ? » Car c’est connu la détresse du monde nourrit la foi. La faim, la misère, les détresses, les désarrois, les accidents et les grands drames rappellent toujours aux humains qu’il y a plus grand qu’eux : Dieu ! Mais souvent on le pense endormi ou absent au moment où on a le plus besoin de Lui.

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14Bien évidemment, les questionneurs ne pousseront pas le vice jusqu’à demander après le sommeil et l’agonie, si Dieu était mort !
Ce serait faire la part trop belle à Nietzsche, le grand philosophe !

3

Les troisièmes à se servir de leurs téléphones satellitaires à multiples relais seront les intégristes. Ceux qui brouillent les pistes et les ondes, multiplient les signaux et empêchent toute localisation géostratégique, membres de la septième chambre du cabinet rotatif du grand Ben, l’ex-célèbre fuyard des montagnes pakistanaises dont les restes gisent peut-être au fond de l’océan. On avait dit qu’il faisait des dialyses en Arabie Saoudite et au Yémen, qu’il avait des émissaires partout dans les grandes mosquées et autres madrassas – écoles coraniques talibans. 15Et pourtant, 2000 soldats américains – entraînés comme vous ne pouvez pas vous imaginez, outillés avec du matériel informatique inaccessible sur le marché public, 2000 et plus ont eu beaucoup de mal à le pister, à le localiser puis à l’assassiner… L’affaire fut réglée en quelques heures, chrono fermé. Avec des zones d’ombres qui resteront éternellement chrono ouvert ! Mais le doute ne plane plus dans certains esprits sur la thèse officielle de sa réelle disparition !

?

Les intégristes eux appelleront parce que ce calme plat, tranquille et simple dont parlent les médias ne les intéresse pas. Ils postent des vidéos, organisent après plusieurs analyses tactiques des attentats terroristes, font prendre des otages, assassinent, développent des revendications pour que les journalistes en mal d’informations sensationnelles puissent vite les relayer. Non, pour eux le monde bien évidemment ne doit pas être merveilleux et magnifique ! Ils font tout pour que ce ne soit pas ainsi. Alors les boycotter et les ignorer c’est nier leurs efforts et même leur existence. C’est cesser de faire peur ! Intolérable !
Il en est ainsi, dans le suivisme au niveau des chaînes de curiosité et de manipulation du peuple et des publics.

5Imaginez tout simplement un journal positif où toutes les informations données ne disent que du bien, ne montrent que du beau, dans une atmosphère bienfaisante. Celui-ci ne provoque aucun stress. Au contraire les téléspectateurs sont là parce que cette télévision les apaise, avec cette belle musique de fond, rassurante.
6J’aurais aimé créer cette télévision positive qui ne donnerait rien que de bonnes nouvelles. Des choses joyeuses. Des éléments de joie de vivre et de plaisirs d’espérer et d’agir pour un monde meilleur !

Tous les rêves sont permis mais tous ne se réalisent pas !
En attendant que je gagne une grosse somme au loto pour donner chair et vie à mon utopie, ici il n’y a que de la lecture, simple sur un homme et d’un homme qui vit dans son époque sans forcément être dans l’air du temps…?

Bonne dégustation
Toute remarque positive sera bienvenue !

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AZIZA*, ESPRIT DE GÉNIE !

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Aziza est connu et désigné comme un génie pygmée des forêts de l'Afrique de l’Ouest surtout au Bénin, au Togo et au Ghana. Il doit être connu sous d’autres noms ailleurs en Afrique, comme c’est le cas de mami water. On lui prête beaucoup de force malgré sa petitesse, d’immenses pouvoirs et puissances spirituels et au-delà de tout, une capacité de dissimulation hors pair.

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107Aziza, esprit clairvoyant des abîmes touffus
Ni tes pieds, ni tes mains n’ont laissé de traces
Dans les sentiers joufflus des buissons entremêlés.
Sans outil, coupe-coupe, torche ni luciole de nuit,
Ton corps et ton génie ont franchi les contrées tressées
Sentiers de peurs enfermés dans l’obscurité diffuse
Que seuls fréquentent les anges déchus à minuit
Qui ont accès à l’inaccessible royaume des esprits.

15Aziza, ta légende nourrit le chant des éphémérides.
Sur les supputations de ton destin à jamais fourvoyé
Une foule de mystères brode une épopée ancestrale
Thuriféraire de ton passé, exégète de ton être contesté
On dit discrètement dans les chaumières abandonnées
Que tu sais compter les nervures de toutes les feuilles.14

Dans les sols humides des fonds des bois pourris
Dans la forêt boueuse ou sur les collines dégarnies
On soupçonne les traces de tes vertueuses prouesses,
Tes coups de griffes, tes minuscules fagots disparates.
On imagine laconiques tes cris, tes silences de plomb.
D’aucuns chuchotent les secrets liés à ta petite taille,
Ta fréquentation ésotérique des plantes guérisseuses,
Ta connaissance intelligente des secrets de la nature,
Vantant à tout va ta clairvoyance doublée de sagesse.

13D’autres clament sous cape la fureur de tes colères.
Tes sauts et tes coups de rage pour gifler les géants,
Punir ceux qui de toi se moquent, honnir les insolents,
Ceux qui guettent ta part humaine, te voient de travers
Cherchent à percer le secret de cette vie que tu caches,
Déchiffrer un peu la force de ton souffle si particulier.22

?

Pour tous, tu restes le mystère des abîmes inconnus.
Image des signatures multiples accordées à tes actes.

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Aziza, connaisseur des plantes et de la phytothérapie
Médecin de la forêt, grand hôpital des bontés divines
Souvent nos sages fréquentent ta pharmacie à l’aube,
Quand la nuit qui porte conseil guide leurs pas avertis.
On dit, depuis la nuit des temps, tes exploits sans limite

?

Fièrement, tu remets au serpent la feuille qui ressuscite
Et fais échec à la mort qui avait opéré son prélèvement.
Dès lors, grenouille et son mari crapaud, pour tes soins
Sollicitent ton secours par un code discret, confidentiel.

?

Ta réponse déroute. Le curieux guerrier aux aguets blêmit.
Tu recueilles cette eau pure du creux de l’iroko centenaire,
Stockée là par tes soins, avec la clémence d’un ciel averti.
Un cortège de plusieurs vents bavards escorte tes sorties
Et par leurs puissants souffles, ils astiquent ton passage
Purifient les sentiers, dissipent tes traces les plus visibles
Pour rendre anonyme ta légitimité sur cette place haute.

?

Invisible aux hommes, flair et iris éteints, ouïes brouillées
Aziza, dans ton errance mythique à l’abri de tous dangers
Tu visites notre courage en nouant nos tripes embarrassées.
Les rares élus de ton prodige nous reviennent tout changés
Une conscience lucide alors inouïe, décuple leur force vitale.
Dépossédés du voile du passé, cordon ombilical de survie
Ils rejettent leurs souvenirs. Ils en ont perdu les empreintes.
De tes dons ils proclament les bienfaits, honorant ton école.

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De leurs bouches sort désormais le mot qui décharge et guérit
De leurs mains, la recette qui soulage et congédie la maladie.
Le plus courageux d’entre eux, je l’ai bien connu adolescent
Se faisait enterrer trois jours et trois nuits sans boire ni manger
Pour témoigner de son initiation à la respiration inutile, vaine.

 

Qu’advient-il de ceux que tu as choisi et qui n’ont pas été élus ?
De ceux qui t’ont suivi et qui se sont révélés indignes et creux ?
Avec quelles paroles évidées et distractives nous les renvois-tu ?
Comment arrivent-ils, mystificateurs, à se fondre dans le collectif,
Claironnant de leurs voix fortes l’ivraie qui sonne si juste à l’oreille ?

?

Initiés réussis et errants renvoyés reconnaissent ton ordination
La puissance de ta consécration, tes prodiges et autres bienfaits.
Sur ce socle solide Aziza, se fonde la croyance en ton existence.
Mais des mystères restent entiers, alliance du flou, de l’incertain,
Sans issues de secours. Et sans aucune ombre d’un savant doute.

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Croire ou pas à tes aptitudes et vaillances, là n’est pas la question !
Existes-tu vraiment ? Si pur et si flou ? Comment te tirer au clair ?

Aziza, esprit ou génie, reste ce que tu as toujours été : volatil !
Vols tactiles, conscient – inconscient, futé – funeste. Intangible !

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*Aziza : ses territoires sont géographiquement délimités par de petits fagots de bois, reconnaissables par la façon spéciale dont elles sont disposées. Les traces de ses empreintes une fois reconnues disparaissent mais celui qui les a aperçues est définitivement envoûté. Il doit les suivre. Il n’a plus que ça à faire ! Aziza a ainsi, selon les légendes, la capacité d’enlever des chasseurs les plus aguerris ou encore les bûcherons les plus téméraires qui s’aventurent sur ses territoires protégés, souvent  au cœur le plus sombre de la forêt. Il dispense ensuite à ses captifs d’exceptionnelles connaissances et les instruit en phytothérapie. Une fois libérés, il les transforme en grands guérisseurs dotés du pouvoir de converser au moins avec les plantes. Sinon plus !

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