Midi et un peu plus : ombre droite
Dernier quart d’heure sahélien
Ultime coup d’œil sur le plateau
Qui reflète le grand ciel immaculé.
Regard bienveillant sur l’horizon
Vers la survie, l’espoir et l’éternité…
Juste encore deux pics au loin là-bas
Peut-être plus, nulle importance à cela,
L’objectif reste clair et irrévocable :
Faudra les atteindre, coûte que coûte
Quinze cents dix kilomètres de la mer
Droit et debout. Le prix c’est la vie !
La baie vitrée d’un grand immeuble éphémère
S’impose en scrutant sans fin ce voilage ocre
C’est le mirage récurrent qui dessine ce miroir
Comme une nappe d’eau, un lac ou un océan !
Descendre de la montagne est pénible
Mais respect absolu au code d’honneur
Grandes visées : santé, capitaux et nanas,
Survivre, vivre, s’enrichir, aider puis procréer.
Eternelles utopies des lourds échecs répétitifs.
Mais l’aventurier n’est pas le fautif, loin de là !
Seul coupable : le jour qui se lève, au quotidien,
Dressé et attisé par le prévisible maître du ciel.
Vivement le soir, l’accalmie, un peu de fraîcheur !
Le soleil ici donne des signes de fatigue
Et pique droit du gros œil à l’horizontal
Vers l’horizon reculé, singulier et cristallin
Sur lequel il déverse et répand sans honte
De gigantesques larmes en or, si rouge vifs
Qu’ils font peur, des nourrissons aux adultes.
L’astre nu serait-il déçu de sa longue journée
Juste au moment de rentrer dormir en pyjama ?
Non ! Son problème, personne ne le suppute
Et pourtant c’est vraiment grave ce qu’il vit :
Quand tout le monde pense qu’il est au pieu
Pour sommeiller du paisible repos des braves
Après être passé de l’autre côté du monde,
En fait, ailleurs, de l’autre côté, là où il est,
Il brille encore des mêmes rayons fatigués.
Dards identiques que rien ne perturbe, sauf
Le conflit répétitif avec la pluie et les nuages.
En avant rayons tendus, chauds et puissants
Pas de quartier. Jamais de sommeil ni de répit.
Croyez-moi notre malheur est solution ailleurs :
Certains s’en dorent la peau avec délice et volupté
Draps sur la plage, corps dénudés et exposés
Crèmes bronzantes anti-ultra-violets, lunettes,
Espéré, guetté, réclamé même souvent vénéré,
Juilletistes et aoûtiens se disputent le bel astre.
Ce soleil du bronzage, de l’été, de la gaieté…
Attention, ces forts rayons-là sont meurtriers,
Pour qui n’a ni crème ni protection pérenne,
Comme la belle Afrique, de janvier à décembre,
Chauffée, brûlée, cuite, cramée, incinérée, foutue.
En vacances, corps bronzés – esprits bien aérés
En permanence, point de doute, esprits brouillés
Neurones fatigués, intelligences tordues aussi
A la clef : sous-développement intellectuel factuel
En d’autres mots, l’enfermement dans l’empirisme.
Éternel galérien, tournant toujours en rond
Chauffant tout ici, et brûlant dru là-bas
Sa vie astrale est faite de ces virées éternelles
Consistant à demeurer en grande chaleur
Quand partout on dort en tournant la page !
Soleil d’Afrique, pierre de Sisyphe des peuples
Impassible dans sa tendre et abusive générosité
Qui irait le soupçonner d’être le mal absolu
Le cadeau pourri et le sac à misères et à galères
Offert par le Ciel à ce continent à jamais maudit ?
Continent joyeux parce que grillé tout le temps ?
« La misère serait moins pénible au soleil* » dira l’autre.
Riche Monde noir si vert, enchanteur et captivant
Qui au lieu d’aller en enfer brûler de feux forts
Subit l’enfer du feu doux qui le tue à petits feux
Depuis toujours, patiemment et assidûment,
A quelques exceptions près, bien évidemment !
Mais soyons sérieux, ceci n’est pas une sentence !
* Paroles d’une chanson de Charles AZNAVOUR composée en 1994
http://www.parolesmania.com/paroles_aznavour_4563/paroles_emmenez-moi_450315.html