Aujourd’hui, dit-il, chacun de vous a reçu un cadeau ! Ces cadeaux sont spéciaux et particuliers. Serrez-les bien contre vous sinon ils vont s’évaporer, disparaître et vous n’allez plus les revoir ! Croyez-moi, c’est déjà arrivé !
Il était une fois, il y a longtemps de cela, quand j’étais encore enfant comme vous, un malin génie s’était, dans notre lointain village, introduit dans une riche famille. C’était à l’occasion de la grande Fête des Esprits. Les membres de cette famille tous envieux et jaloux les uns des autres se querellaient de n’avoir pas reçu individuellement les cadeaux dignes de leur envie et de leur rang. Pourquoi le cadeau du benjamin paraissait plus cher que celui de l’aîné et pourquoi celui du cadet n’avait aucune valeur ? Les chamailleries perduraient car les filles, plus gâtées que les garçons, leur tiraient la langue et chantaient des rengaines de moquerie !
Le génie Mochtécus fatigué par ses pérégrinations nocturnes dormait invisible dans un arbre derrière leur clôture. Dérangé par leurs cris aigus puis finalement réveillé, il fut furieux de les trouver si ingrats et imbus d’eux-mêmes. Il descendit alors dans la maison et y sema le trouble et la terreur. Crapauds, scorpions, criquets, cafards, mantes religieuses, scarabées sacrés et autres petites bêtes bizarres commencèrent à émettre différents cris angoissants à l’intérieur de leurs divers cadeaux.
La colère mélangée à la peur poussa les enfants à aller jeter leurs paquets dans les poubelles de la rue.
Le génie Mochtécus fit alors passer par là quelques enfants pauvres, à qui les œuvres humanitaires n’avaient apporté que des babioles récupérées et parfois même cassées à l’occasion de cette fête.
Quelle joie pour ces derniers de trouver ainsi à portée de main, de beaux jouets sans avoir –comme à l’accoutumée – à fouiller longtemps dans les poubelles du quartier.
Le calme qui s’en suivit amusa beaucoup Mochtécus fier de jouer avec l’arrogance et la fierté de ces enfants de riches vraiment trop gâtés par le sort.
De l’autre côté, ce fut pour lui un grand bonheur de voir cette joie véritable et pathétique de ces autres gamins qui savaient se contenter et se réjouir tout simplement de ces nouveaux et extraordinaires joujoux.
Eh oui, c’était comme ça !
On le sait, parfois « le malheur des uns fait le bonheur des autres ! »
– Mais, Grand-père, rétorqua Komlanvi, – Grand-père, ce que tu viens de raconter ne peut être vrai !
Puisque tu nous avais déjà dit une fois que les génies n’existent pas ! Il s’agit à nouveau d’un autre flagrant délit de mensonges !
– Ecoutez les enfants, il ne s’agit pas de mensonges mais de vérités mensongères. Ou alors, si vous préférez, de mensonges véridiques !
– Ce n’est pas parce que vous doutez que ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas parce que vous ne me croyez pas que ce sont des mensonges ! Non ! Loin de là ! D’accord, j’avoue que je prends quelques libertés avec la vérité nue. Mais les vérités douteuses sont loin d’être des mensonges, n’est-ce pas ? D’ailleurs, avant de juger, écoutez d’abord la fin de l’histoire !
Dans la rue, les enfants criaient, chantaient, riaient et dansaient. Ils étaient si contents qu’ils faisaient à leur tour un boucan énorme.
Alors les enfants dépouillés sont sortis dans la rue pour constater le renversement de la situation. Mais ils ne pouvaient rien faire car le génie Mochtécus qui s’était transformé en une énorme souris, commença à leur parler ainsi :
«Les génies y sont malins. À cause de ça, il le blagué vous ! Vous, succomber à l’envie de récupérer mais vous n’a pas réussir. Alors, vous n’a qu’à oublier. Et la vie n’a qu’à continuer ! » (Il s’agit ici d’un genre d’argot volontaire, petit français issu du Nucci de Côte d’Ivoire – à lire avec une intonation spéciale)
Les enfants effrayés s’éloignèrent.
Les choses étaient rentrées dans l’ordre de tous les côtés.
Badinage, à mon âge ? Badi nage dans ses mensonges – à bientôt pour le récit 4
