Et les enfants adoraient se précipiter sur le téléphone !
En deux temps, trois mouvements, ils étaient quatre à s’accrocher au combiné.
A l’autre bout du fil, l’interlocuteur voulait parler au vieux Badi qui, de son côté faisait de grands signes pour que les enfants signalent qu’il dormait et qu’il ne pouvait pas répondre à l’appel.
– Ce que les enfants firent en précisant que Grand-père, couché dans son hamac, leur demandait de dire qu’il dormait et qu’il ne pouvait donc pas prendre le combiné !
L’inconnu insista fortement, Grand-père refusa énergiquement !
Après ces mille cafouillages, les enfants raccrochèrent. Ils accusèrent leur Grand-père de s’être laissé prendre en flagrant délit de mensonge. Eh oui, c’était le cas ! Il devait raconter une histoire pour se dédouaner.
Il faut dire que Grand-père Badi aimait raconter des histoires et les enfants adoraient l’écouter. Mais là, honnêtement, le moment n’était pas opportun pour le vieil homme qui tenait à se reposer. Alors, avant de céder, il s’était fait un peu beaucoup prier !
Pouvait-il vraiment refuser de raconter des histoires aux enfants lorsqu’ils les réclamaient, insistant, avec autant de malice et de ruse ?
Après avoir installé tous les enfants autour de lui, Badi sollicita leur attention en disant la formule suivante : Korobozi. Et les enfants lui répondirent en chœur Koroboza.
Ce qui dans leur langue signifiait :
« Korobozi : est-ce que vous êtes là, (sous –entendu : prêts à m’écouter ?) »
« Koroboza : oui, nous sommes là, (prêts à écouter !) »
– J’ai fait un rêve et dans ce rêve je me suis retrouvé au bord d’un grand fleuve. Un très grand fleuve ! Immense ! Le fleuve était tellement large que tout au bout, là-bas, il touchait le ciel. Il n’y avait rien du tout sur ce fleuve. Il n’y avait rien dans ce fleuve ! Il n’y avait aucune pirogue, aucune barque, aucune embarcation. Dans l’eau, il n’y avait même pas de poissons. Donc il n’y avait pas de pêcheurs. Pas de vent, pas d’onde. Aucun insecte ne volait au-dessus de cette nappe liquide.
Dans le ciel, pas un seul petit oiseau !
Au loin des deux côtés des arbres de toutes les formes, droits, hauts, penchés, majestueux ou dépouillés, feuillus ou effeuillés, mais sans plus. J’y étais, isolé ! Et je me demandais ce que je faisais seul au bord de ce fleuve ! Et je me demandais où vous étiez, vous tous, pour que je me retrouve en solitaire au bord de cette immensité sans vie ? Oui c’est ça, le rêve que je viens de faire, à l’instant. Où étiez-vous ?
Qui d’entre vous peut me dire ce que signifie ce rêve ?
Korobozi ?
Au lieu de répondre tout simplement au vieux Badi qui venait de froncer les sourcils de sévérité, un des garçons, Abalo, taquin, l’interpella ainsi :
– Mais, Grand-père, tu nous avais dit de dire à celui qui te réclamait tant au téléphone que tu dormais. Alors que tu ne dormais pas. Donc, si tu ne dormais pas, tu n’as pas pu rêver ; puisqu’on ne rêve pas lorsqu’on ne dort pas.
– Oui mon petit-fils, c’est ce que tu crois ! Et pourtant, il peut arriver que l’on rêve lorsqu’on ne dort pas vraiment. Un rêve éveillé, tu connais ?
– Dans ce cas, renchérit Anani, un autre garçon qui ne s’en laisse pas conter si facilement, Grand-père, dans ce cas, ce que tu viens de dire ne peut être vrai ! Puisque personne ne peut le vérifier, il s’agit à nouveau d’un autre flagrant délit de mensonges !
– Oui, oui, oui, oui, oui, oui, alors une autre histoire, se mirent à scander la petite troupe d’auditeurs.
Bientôt la suite de « Badinage, à mon âge ? Badi nage dans ses mensonges »
Et ce sera le récit-3