Et la vie a effectivement continué, suivant son cours normal.
Eh oui, c’était comme ça !
Parfois le malheur des uns fait le bonheur des autres !
Mais, Grand-père, rétorqua Komlanvi, Grand-père, ce que tu viens de raconter ne peut être vrai !
Puisque personne n’a jamais entendu un génie parler ! Il s’agit à nouveau d’un flagrant délit de mensonges !
Les garnements se mirent alors à scander en chœur :
Papi, une autre histoire !
Papi, une autre histoire !
Papi, une autre histoire !
Ecoutez les enfants, il ne s’agit pas de mensonges mais de vérités mensongères. Ou alors, si vous voulez bien, de mensonges véridiques !
Ce n’est pas parce que vous doutez que ce n’est pas vrai !
Ce n’est pas parce que vous ne me croyez pas que ce sont des mensonges. Non, loin de là !
D’accord, je prends des libertés avec la vérité mais les vérités douteuses sont loin d’être des mensonges.
Malgré toute la bonne volonté du vieux Badi, il sentait qu’il n’arrivait pas à convaincre ses petits-enfants.
A chaque nouvelle histoire, toujours le même reproche !
Son cœur se mit à battre !
Oui Badi nage dans ses mensonges.
Mais dans le rôle du conteur, il ne pouvait pas se permettre d’être autrement qu’un menteur !
Comment se sortir de cette situation ?
Bon, il venait d’avoir une idée. Au lieu de continuer à jouer le jeu, en nageant dans ses histoires, dans ses contes, dans ses mensonges véridiques ou dans ses vérités mensongères, pourquoi ne pas soumettre les enfants à un sujet qui les éloignerait définitivement de l’envie de chercher à l’attraper en flagrant délit de racontage ? Ce serait un moyen de les renvoyer et de pouvoir enfin se reposer !
– Bon, bon ! Ecoutez ceci :
Korobozi ? Koroboza !
– Pour initier leurs trois filles aux grands pouvoirs magiques qu’elles détenaient, trois méchantes sorcières cannibales devaient obligatoirement traverser une dangereuse rivière. De l’autre côté, se trouvait l’autel ancestral sur lequel se faisait l’immolation de trois pigeons avant la cérémonie.
Elles se retrouveraient seules là-bas, afin qu’aucun regard étranger ne découvre la nudité de leurs filles au risque de les rendre stériles. Alors, elles perdraient non seulement leurs pouvoirs mais encore elles ne trouveraient personne pour les épouser. Ce qui mettrait dangereusement fin à la chaîne de transmission de leurs grands savoirs. Car, sans mari, pas d’enfant et donc pas de transmission !
Comme quoi, même chez les sorcières, on ne badine pas avec l’amour !
Les trois sorcières voyageaient chacune avec sa fille bien protégée, à côté d’elle. Cependant elles avaient bien envie, toutes autant qu’elles étaient, de croquer et de dévorer la fille de leur voisine. L’appétit d’une sorcière ne s’explique pas ! Les voici toutes les six rassemblées au bord de l’eau. Trois puissantes sorcières cannibales et trois innocentes filles, qui tremblaient de la cupidité et de la voracité de leurs mères.
A leurs pieds, il n’y avait, en tout et pour tout qu’une petite pirogue de deux places qui, de toute évidence, ne pouvait pas prendre plus de deux passagères à la fois !
Ha ! ha ! ha ! ha ! ha !!!!
Et comme on pouvait l’imaginer, nos trois sorcières sont coincées devant la rivière, à réfléchir à la façon de procéder, pour qu’aucune d’entre elles ne dégustât la petite fille de l’autre.
Comment organiser cette traversée pour qu’aucune enfant ne se retrouve en danger, seule, face à une sorcière ennemie autre que sa mère qui n’en ferait alors qu’une bouchée ?
Figurez-vous que la pirogue, une fois arrivée de l’autre côté, devait pouvoir être ramenée (car elle ne peut pas revenir toute seule et les sorcières n’ont pas une longue corde pour la tirer…) afin que les autres puissent faire le chemin dans le même sens.
Comment faire ? Ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! Comment faire ? Comment faire ?
A vous de réfléchir, mes petits enfants.
A vous de réfléchir pour me donner la solution du voyage entre les trois méchantes sorcières cannibales et leurs trois innocentes filles à initier, coûte que coûte, de l’autre côté de la rivière !
Ha ! Ha ! ha ! ha ! ha ! ha !!!
Korobozi
koroboza
Allez, allez chercher !
Formez des groupes, réfléchissez ensemble et revenez me dire si vous avez la solution.
Badinage, à mon âge ? Badi nage dans ses mensonges – à bientôt pour le récit 5