Langage des signes – farce savante

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Quand ils ont juste commencé à bouger,
J’ai tout d’abord spéculé et cru à une farce
Où l’imagination de ces jeunes galopins
S’évertuerait à confondre les incrédules.

Dans la rapide méfiance qui m’a gagné
Il n’y avait alors ni colère ni désolation.
Les voyageurs attentifs semblaient hagards,
Tous aux aguets pour éviter des pièges futés.

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Ma vigilance visuelle aussitôt armée
Epiait avec mes tympans mis en éveil.
Mon regard et mon cerveau fort connectés,
Sollicitèrent d’autres sens que je n’avais pas.

 

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Je vis noir, je vis flou. Perdu, je suis floué.
Et pourtant, les messages n’étaient pas floutés,
Juste des gestes rapides, courts et fantaisistes,
Des regards parlants avec des yeux mouvants.

Bref, tout se joue avec mains, regards et corps.
Mais ils semblaient hors de portée et de sens
A toutes nos perspicacités rassasiées et grognons
De gratte-papiers et des langues trop bien déliées !

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Voici d’autres communicants mystificateurs,
De joyeux garnements particulièrement agités.
Vifs coquins bien alertes, puits d’interrogations
Qui cognent nos esprits en grands jets puissants !

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Tandis que nos heureux faux galopins-blagueurs
En toute tranquillité, causaient économie, télé,
Politique, sport, art et culture, futur et désespoir.
Aucun sujet n’est tabou dans leur verve des signes.
Seule la dame à ma gauche, souffrant d’Alzheimer
Semble par son sourire percer le mystère des propos.

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Tous se marraient comme jamais cela ne se fait,
L’attention alentour paraît double ou indécise
Des sourds muets, catalogués « handicapés »,
Qui de leurs doigts et simples gestes langagiers
Refaisaient un monde marginal tellement joyeux

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Que nos tronches déjà tendues en étaient agacées.
Quand ils ont commencé à gesticuler
J’ai d’abord cru à une farce savante.
Seuls souverains du secret de leurs laïus
Je salue cette virtuosité, ce savoir-faire,
Ces chantres de prouesses et du discours
Maîtres de cet alphabet qui nous rend frustres.

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LE CADEAU MÉCONNU

A B C D

Pour certains, à des moments avérés de l’existence,
Sous des cieux peu cléments, des jungles modernes,
Des démocraties dévoyées, des persécutions établies,
Du mercenariat auto-promu en république protectrice,
Où les deniers publics sont détournés pour des tueries,
Tous les rêves étouffés avant la nuit et l’heure du réveil :
Mourir serait vraisemblablement plus agréable que vivre !

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Sais-tu en s’envolant ce que fredonne le papillon ?
Le sens du chant continu et entêtant du grillon ?
Le long cocorico enrhumé du beau coq matinal ?
La sourde et inaudible voix des feuilles sèches ?
Qu’enfin, oui enfin, le jour non attendu s’est levé,
On l’avait tous, une fois encore, tant et tant espéré.
Puis, petit à petit, il a surgi du néant, de l’obscurité.
A présent, depuis les trouées, tout est clair et beau.
Rien que de le deviner, de le sentir et de le savoir,
De comprendre qu’on est encore bien de la partie,
Nous comble d’une immense joie et donne de l’espoir.

Des innocentes pour apaiser les esprits 4Des innocentes pour apaiser les esprits 3
Rien que ça, tout le monde peut sûrement le chanter,
Par correction, de sa voix originale, rauque ou aiguë,
De son timbre grave ou aphone de mort-vivant,
De son empreinte vocale unique et distincte,
Qu’elle soit enrouée, inécoutable, de crapaud,
Peu importe ! Chante, loue, prie ou maudit.
Au final ceci est un cadeau céleste méconnu !

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Les tamtams sont apprêtés 3Les tamtams sont apprêtés 2

Car, depuis le début des temps immémoriaux,
Les mystères entendus de l’engloutissant néant   Ont été reconnus parmi les équations insolubles.
Ce vide insondable où se dissolvent nos entités
Et vers lequel chacun voyage léger, sans boussole,
Un tunnel sans fin, ingénieux, vorace et insatiable,
D’où perce la complainte antique et ancestrale :
« Oh, bien triste nouvelle, venant de l’au-delà
La grande affliction, secret des profondeurs
Au chant du coq, ils ne se sont pas réveillés
Le coq a chanté mais ils ne l’ont pas écouté,
L’air frais du matin voulait les faire frémir
Mais ils n’ont guère trépigné ni grelotté,
Après cela, la pluie du matin les a arrosés,
Mais aucun d’eux n’a ni frissonné ni bougé
Accablante nouvelle, venant de l’insondable
La grande affliction, secret des profondeurs »
Noubla nyui nya – Yomé nya yé …

Le grand départ 1

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Car, au creux de nos grands malentendus,
Persiste le mystère inconnu du souffle perdu,
Qu’exalte cette charmante mélodie millénaire,
Secret des profondeurs mais cadeau méconnu !
Pour certains, à des moments avérés de l’existence,
Sous des cieux peu cléments, des jungles modernes,
Des démocrates dévoyées en persécuteurs infondées,
Des mercenaires auto-promus en républicains perclus,
Des deniers détournés du développement vers la tuerie,
Des rêves étouffés avant la nuit, le sommeil et le réveil :
Mourir serait vraisemblablement plus agréable que vivre !

Le penseur de Rodin 1

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LA BOSSE SECRÈTE DES ARBRES

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À l’adage « Demain sera meilleur » nous répondons, ici et maintenant: « Si vieillesse savait, jeunesse pourrait ! »
Combien de fois, depuis des décennies, nos arrière-grands-parents et de nos grands-parents, voire nos parents pour les moins jeunes d’entre nous ont dit : « Courage, ça va s’arranger avec le temps ?»
Et rien ne s’arrange avec le temps. Au contraire, ça empire !
Selon l’Observatoire des inégalités en date du 7 juin 2013 – Moins de 10 % de la population mondiale détient 83 % du patrimoine mondial, alors que 3 % vont à 70 % des habitants. L’Amérique du Nord et l’Europe en possèdent 65 %.
Selon l’édition économie du journal Le Monde en date du 19 janvier 2015 80 personnes se partagent le même montant de richesses que 3,5 milliards autres soit la moitié de l’humanité et selon les mêmes sources la richesse cumulée des 1 % les plus riches de la planète dépassera bientôt celle détenue par les 99 % restants.

Tronc d'arbre 4Tronc d'arbre 6100_1487

Derrière ces chiffres se cachent des Africains, des Afro-américains, des Latinos, des chinois et autres indiens. Et aussi pire encore, des réfugiés climatiques, économiques, politiques, des réfugiés de guerre sont à présent légions dans le monde. Avec leur lot de souffrances inimaginables, manque d’eau pour désaltérer enfants et vieillards, conditions d’hygiène exécrables. Tous n’ont même pas un repas déficient par jour, exposés ainsi à plusieurs forces d’exploitation et au harcèlement sexuel, au viol de dizaines de milliers de personnes.

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Ceux-là payent le prix fort et pendant ce temps les riches s’empiffrent et se détournent complètement de la misère des pauvres. Inconnus dans leur subconscient alors même qu’ils sont fabriqués par leurs œuvres : vente d’armes, de médicaments, manipulations des bourses, contrôle des marchés des biens de premières nécessités en commençant par l’eau et la nourriture. Qu’ils sachent que leur cupidité enrichit et aggrave l’insécurité mondiale.

Nos vies individuellement sont truffées de problèmes, de souffrances, de diverses douleurs, de petites et de grandes déceptions, d’incompréhensions notoires et de gros stress.
Avant d’arriver au bout du rouleau, il y a quelque chose à faire, toujours. Pour ce qui nous concerne aujourd’hui, il existe un petit secret, je vais vous en révéler un bout. Vous trouverez d’autres bouts de vous-mêmes ! Je l’ai expérimenté avec succès. Pour preuves les photos jointes à cette révélation. En voici l’histoire.

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Dans les temps anciens vivait par ici un homme qui s’appelait Kpékpédékpessu, Né nyo né nua yé wo gbana ne dé gé mé !
« C’est seulement quand la bouche est débordée que la barbe et la moustache sont servies ».
Ne me dites pas que ce nom est long ! J’en ai connu d’autres de la même trempe comme Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga, né Joseph-Désiré qui signifie « Mobutu le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne puisse l’arrêter » encore surnommé « Le Léopard de Kinshasa ».
Kpékpédékpessu était connu pour être le souffre-douleur de tous ceux qui portaient un chagrin quelconque.
Chaque fois que le poids des souffrances des uns et des autres le terrassait, rendant ses pas lourds, son dos bossu, son cou tordu, son esprit opaque et obtu, il venait dans le parc rechercher un trio d’arbres sacrés. Il touchait ces arbres à tour de rôle dans l’ordre et dans le désordre puis puis il les caressait avec précaution et respect. Il en faisait le tour, une, deux, trois fois. Puis après, il se dressait et faisait une prière ésotérique pour savoir lequel des arbres lui souriait le mieux et ainsi faire corps avec lui.
Et là, il s’imaginait dans la peau d’une petite bestiole collante ou rampante : une chenille ou un scarabée ou même un reptile.
Korobozi ! Koroboza !

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Il se mettait alors dans le cocon de l’insecte. Et dans ce cocon, il déposait toute la tristesse, toute la souffrance, tout le mal être qu’il avait transporté avec lui. Il y mettait toutes les douleurs, toutes les peines et toutes les lourdeurs de la vie.
Tout doucement, trop lentement, très longuement, il se débarrassait. Et ça prendrait le temps qu’il fallait. Puis il faisait une petite, toute petite ouverture dans le cocon. À travers cette ouverture s’infiltrait un rayon de lumière. Une langue du soleil. Et Kpékpédekpéssou nouait son cordon ombilical avec le rayon du grand astre. Alors, alors seulement, il s’extirpait avec de nouvelles sensations, une énergie renouvelée, la conscience ferme et absolue que quelque chose de mystérieux venait de se produire. Une sorte de mue, de desquamation. Un renouvellement de l’être. Son poids était tombé. Son poids était accroché.
Il venait de suivre le chemin de la transformation, de la guérison.
Marchant sur le filet de lumière qui s’était installé, il se sentait léger, presque volatile. Aussitôt, il était envahi par un immense plaisir, celui de se régénérer dans la légèreté absolue.

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Korobozi ! Koroboza !
Alors, Kpékpédékpessu revenait à lui.
Petit à petit, il se détachait de l’arbre.
Il prenait conscience réellement de cette légèreté, de cette guérison. . Il pouvait partir en paix sans se retourner.
Plusieurs fois, il s’était prêté à cet exercice et le mystère s’était toujours réalisé.

Korobozi, Koroboza !
À présent, regardez bien tous ces arbres ! Observez-les bien et vous verrez qu’ils portent des bosses comme des dizaines et des centaines de cocons abandonnés. Certaines de ces bosses sont petites, d’autres grosses. Certaines sont basses, d’autres très hautes. Oui, ce sont des traces laissées par plusieurs Kpékpédékpessu.
Et ils restent encore de la place pour que chacun de nous vienne y laisser une bosse voire plusieurs bosses. Traces témoins de peurs, de négligences, de soumissions interminables, de trahisons, de mensonges, de mesquineries et autres incompétences notoires.

Tronc d'arbre 1Avec quel message ressort-on de là ? Si nous sommes pauvres, malades, et impuissants et que nous pensons que c’est par déterminisme, programmation divine, fatalité et autres coups du destin ficelant définitivement nos desseins. Alors prier matin, midi, après-midi et soir, toute la nuit n’y changera rien !
Pourquoi sommes-nous si impuissants et si peureux disons même imbéciles ?
Parmi les riches, il y a ceux qui ont travaillé dur pour en arriver là, on peut les compter sur les doigts des pieds ! Mais la plupart sont rentiers ou exploiteurs, voleurs et parfois dictateurs-pilleurs. Il faut élever et ériger contre eux tous des barrières de moralité et de transparence. Point en l’air, cœur vaillant, même pas peur !

P1060802N’oubliez jamais ce secret. C’est celui des bâtisseurs de l’ombre, des travailleurs sans salaire, des exploités sans reconnaissance, des initiés, ceux qui ont fait le voyage des trois continents : de l’Afrique à l’Amérique et de l’Amérique à l’Europe. Ils sont dans la chapelle avec ou sans autel, la cathédrale en pierre ou faite de séquoias géants. Ils sont dans les arbres sacrés centenaires, témoins muets des petits et grands secrets.
Gardez ce secret et profiter de vos matins, midis et soirs, trois fois en joie et avec bonheur. Chants mystiques et transes seront bienvenus. Ainsi va la vie !

Hellu !
Hellu lo ! Hellu sé !
Hummmm ! hummmm ! Bléwuué é, bléwuué é
Bléwuué mia gakpéloo, bléwuué mi aga kpélo blé wu…

P1060800Pain des singes

 

LE LENDEMAIN DU JOUR OÙ LE JOUR FUT NUIT

 

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Un jour, le jour ne se lèvera pas,
Et ce jour sera la nuit de l’aube,
Et ce sera bien cette opaque obscurité !

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Et ce jour sans jour ne sera pas un jour
Puisque ce sera la nuit du jour sans jour
La nuit du jour où la terre figée par le temps
Se plante un temps pour voir ce qu’il en est !
Et personne ne verra qu’elle ne tourne plus
On dira que c’est le soleil qui ne se lève pas !

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D’autres érudits œuvrant sur la nébulosité
Confirment à tue-tête l’assombrissement
Et lui attribuent un petit caractère réversible
Ce que la panique et la peur n’autorisent pas.
Voici venu dans tous les esprits bien lucides
Le jour de la nuit où le soleil très harassé meurt
Auto-brûlé, grillé, consumé, fini, éteint. Adios !

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Personne n’a vraiment vu ceci venir !
Et pourtant ce n’était pas brusquement.
Oh non, ce fut en flux tendus mais continus,
Puisque là-haut on savait tout impossible
On s’est tus pour ne créer aucune panique.
Tant pis pour les ignorants et les incultes
Le royaume des ténèbres leur revient de droit.

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Saurions-nous au moins inventer un tant soit peu
Une autre étoile, une comète, une énergie
Une luminosité similaire, une perfection ?
Aurions-nous eu le temps de créer un astre ?
Indépendant ? Télécommandable ? Oh non !
Un jour différent ? Une nuit apparente ? Non !
Alors ils ont dit, en catimini, depuis l’agence
Là-bas tout là-haut au royaume des secrets
« Silence, bouche cousue : wait and see » !

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Seul celui qui est aussi pressé que le vent
Souffle indéfiniment sur ce qui, tôt ou tard,
Finira par se refroidir… Alors, il faut attendre !
Et comment ? Tout bonnement et simplement.
Maintenant on ne voit plus les Noirs dans le noir
Et on en est encore à se demander comment
Le soleil, vrai traître, nous a éloignés de la vie,
Dès le lendemain du jour où le jour fut nuit !

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Ordre d’apparition des personnalités décédées sur la photo 9 :

Kwame N’krumah – Gold Coast puis Ghana- le promoteur des Etats-Unis d’Afrique - 1909-1972
Patrice Lumumba – Congo – né le 2 juillet 1925 et assassiné le 17 janvier 1961
Thomas Sankara – Haute Volta puis Burkina Faso – né le 21/12/1949 et assassiné le 15/10/1987
Nelson Mandela – Afrique du Sud – né le 18/7/1918 et mort le 5/12/2013
Gamal Abdel Nasser - Egypte – né le 5/1/1918 et mort le 28/9/1970
Habib Bourguiba – Tunisie – né le 3/10/1903 et mort le 6/4/2000
Sékou Touré – Guinée – né le 9/1/1922 et mort le 26/3/1984
Mouammar Kadhafi – Libye – né le 7 juin 1942 et mort assassiné le 20 oct 2011

SONATE DU VENT AU CREUX DES PERSIENNES

SAMSUNG CAMERA PICTURESDepuis la chambre, la nuit, tout là-haut,
J’entends le vent sec venu du grand nord,
Ou peut-être du petit sud, qui sait vraiment ?
Autour des murs et au creux des persiennes
Parmi mille soupçons injustifiés, je l’entends
Pleurer, rire ou fredonner très bruyamment
De fort douces et archi-mélodieuses mélopées
Ou alors de violentes et perçantes complaintes
Qui me glacent d’effroi ou me laissent de marbre.

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À chaque fois, par respect, on croirait entendre
L’absolue grand chef d’orchestre du monde
L’architecte des agencements multi sonores
Livrer un multicolore concert circonstanciel
D’une musique aux rythmes variables à l’infini !

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Sûr que c’est gratuit, puissant et surtout syncopé.
Dans chacune des variantes du récital unique
On entend une vague invitation lancée à tous,
Anges, démons, entités et humains sont charmés
Là même où ils pensaient se réfugier paisiblement
Pour se raccommoder pour d’autres lendemains.
Mélodie du recommencement, inaudible cacophonie.
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Écoutez : des oreilles bien apprêtées s’y plairont
Les non-aguerries en souffriront certainement
Car des berceuses pour nous, grands adultes
Ne courent pas le répertoire des illustres chefs !
Soyez attentifs : les psaumes singuliers entendus
Caresses épurées du vent aux creux des persiennes
Incantent des mots contre des maux confondus,
Qui vont d’aimer à haïr, en passant par guérir
Aider ou trahir, sourire ou dormir, se méprendre,
Parler, méditer, rêver, vivre intensément, se brûler
Se consumer en créant un nouveau champ de chants
Une mélodie unique qui vous fait refuser de mourir…

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LA PETITE SOURIS OU LES DESTINS CROISÉS

Une petite souris qui vivait en ville nous raconte son histoire.

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Cette petite souris, et personne ne sait vraiment ce qui lui est passé par la tête, avait décidé de traverser une route à double voie non loin de l’égout où elle avait localisé un garde-manger avec quelques membres de sa famille. En plein centre-ville.
C’était en fin de journée à l’heure où les gens sortent des bureaux. Nous sommes sur l’avenue des Chants de la Liberté, une artère très fréquentée. Cette destination est bien connue des touristes du monde entier et bien évidemment, nul ne peut prétendre avoir visité normalement la plus belle ville au monde sans un tour du côté de l’avenue des Chants de la Liberté. L’animation de ses trottoirs et la folie des achats compulsifs dans ses magasins sont sources de multiples anecdotes.
Le défi de la petite souris était à la fois incroyable et impossible !
Le rongeur influencé par toutes ces scènes qui sont des témoignages de vie heureuse était sorti de son refuge, son égout paternel et familial, pour à son tour visiter la ville. Avec bravoure et témérité ! La peur a failli le dissuader. Mais brave petite souris comme elle se considérait, elle n’ira tout de même pas dire aux siens qu’elle était sortie sans avoir parcouru l’avenue des Chants de la Liberté. Sans avoir rien vu de tout ce qui s’y passait de merveilleux. Non, elle n’osera pas le dire !
Alors légitimement, elle avait décidé comme une grande, de traverser cette avenue en commençant par la double voie de chaque côté de la route qu’on appelait piste cyclable, récemment installées par la Mairie.

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Ce jour-là, les gens étaient sortis de leur travail, comme à l’accoutumée, à l’heure où le soleil prenait habituellement des nouvelles de sa couchette pour savoir si ses domestiques avaient fini de lui préparer son lit !

Ce même soir, l’une de mes amies, avait décidé d’aller voir un film qu’elle guettait depuis un moment déjà. Or, les plus grandes salles de cinéma qu’elle avait l’habitude de fréquenter se trouvaient sur l’avenue des Chants de la Liberté. Elle avait donc déjà choisi sa salle. Elle y entrerait vers dix-neuf heures, y passerait environ deux heures puis à la sortie, irait manger dans l’un des restaurants exotiques qui égaillaient le quartier. Voilà ce qu’on lisait dans sa pensée exactement au moment où elle avait fait la queue comme tout le monde pour acheter son billet. Puis elle était entrée dans la salle située au sous-sol du complexe, son seau de pop-corn sous le bras. Un refuge pour se poser, se distraire, se détendre, bref passer du bon temps avec soi-même !

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À ce même moment, la petite souris sur le bord de la piste cyclable avait décidé de s’engager. De la piste cyclable à la hauteur de la première voie, il y avait en fait seulement un mètre vingt environ à parcourir. Mais pour la petite souris ce chemin était un véritable périple. Cependant la longueur d’un chemin n’a jamais découragé un rongeur. Surtout pas une souris sortie de son égout pour visiter la ville. À chacun son rythme.
Alors la petite souris résolue et aux aguets, a commencé sa traversée. Elle s’était lancée courageusement et le temps qu’elle arrive de l’autre côté, les spots publicitaires sur le grand écran tout blanc dans l’obscurité tamisée de la salle de cinéma du sous-sol, étaient déjà tous diffusés. Vingt longues minutes sont ainsi imposées aux cinéphiles pris en otages d’une façon subtile et consumériste.

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Mon amie, pour mieux déguster son évasion dans le monde du 7ème art, se cala confortablement dans son fauteuil et attendit avec impatience le début de son film. Elle l’avait, comme à son habitude, soigneusement choisi dans L’Officiel des spectacles, après avoir lu le résumé, la durée et la classification. Elle savait qu’il y aurait du rire et de l’émotion. Mais jusqu’à quel point, c’est en cela que réside le mystère de la petite attente qui sera bientôt assouvie !
La petite souris, seule dans ce monde grouillant d’humains, recroquevillée, tremblotante comme à son habitude sous le rebord de la piste cyclable qu’elle venait héroïquement de traverser, se reposait.
Devant elle, il n’y avait qu’étourdissement, vertige, échappées innombrables de roues, quatre, six voire huit roues portant d’énormes carapaces qui dépassent de très loin celles de la tortue mère qu’elle connaît très bien. Et elles allaient vite ces roues emmêlées de fumée pour imposer à ses yeux une oscillation permanente.

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Les voitures filaient dans tous les sens vers de multiples destinations. C’était une vraie course, une chevauchée contre la montre. Un si grand éblouissement de courses folles sans qu’elle sache exactement où toutes ces grosses bêtes aux couleurs variées allaient. Un grand repas devait être organisé quelque part sur la terre, vu comment elles étaient toutes si pressées !

La petite souris se concentra sur son objectif tout simple : traverser cette avenue à deux voies. Et sans fermer les yeux, elle s’engagea toujours rapide et résolue.
Alors courageusement, et personne ne savait si c’était vraiment le moment le plus indiqué pour cette traversée, elle a entamé la suite du chemin, patiemment, calmement.

100_0529 - CopieAu bout d’une longue heure en temps humain, la petite souris était parvenue avec plus de peur que de mal au milieu de la route.

Pendant ce temps, mon amie bien installée dans son fauteuil, le seau de pop-corn grignoté depuis longtemps, avait déjà vu la moitié de son film. On en était au point culminant. Le temps où tous les suspens arrivent au summum pour exciter la curiosité du public. Le moment où se pose la question du dénouement. Les policiers allaient-ils finir par attraper l’assassin de la jeune fille, déjà connu des spectateurs ? Mais que fait la maréchaussée à perdre son temps sur les mauvaises pistes au lieu d’aller droit au but ? Pourquoi manquent-ils tant de flair alors que l’assassin-violeur s’apprête à commettre un autre délit ?

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À ce moment-là, mon amie était gagnée par une terrible impatience. Elle aurait aimé rentrer dans l’écran afin de tenir par la main l’inspecteur qui menait l’enquête et le conduire là où il fallait qu’il soit. Elle vivait les émotions à fleur de peau. Une sensibilité qui faisait monter son taux d’adrénaline. Là, elle devenait double, triple, quadruple même, épousant l’enveloppe de certains des personnages à l’écran. Son cœur battait au rythme effréné de la bobine et elle n’était pas prête de ralentir tant qu’elle ne verra pas sur l’écran «The end». Et dans son esprit, il fallait que ce soit un « happy end » !

Dehors, la petite souris était également dans son rythme et elle n’était pas prête d’abandonner tant qu’elle n’aurait pas atteint son objectif. Son petit cœur battait la chamade. Mais depuis un moment, elle se disait que le repos qu’elle prenait au milieu des deux voies avait été suffisant et qu’il fallait continuer, viser l’autre bord. Alors, calmement, patiemment et plus bravement encore, elle s’était élancée.

Juste au moment où le film se terminait avec une victoire des forces du bien sur la cavalerie du mal. Soulagement pour mon amie ! Ouf ! La petite souris était de l’autre côté de la route !

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Mon amie était impressionnée par la façon dont le génial réalisateur avait terminé le scénario. Tout était rentré dans l’ordre. Le méchant était tombé au détour d’une petite erreur et il avait été violemment appréhendé. Il le méritait bien ! Applaudissement général ! C’est comme si aucun spectateur n’avait pitié de lui et des maltraitances qu’il avaient subies. Pas de respect des droits de l’homme dans ces conditions sélectives. Pour le moral de mon amie c’était important que Dieu gagne sur le diable ! Sinon, elle aurait été mise mal à l’aise dans ses convictions religieuses, elle qui ne passait jamais devant une église sans entrer allumer un cierge. Ah, le dîner au restaurant sera agréable ! Vite, manteau, écharpe et sac pour sortir de là en soupirant de bonheur.

De l’autre côté de l’avenue, le rongeur impénitent était également très heureuse d’avoir relevé son défi. Oui, elle avait traversé une double voie de l’avenue des Chants de la Liberté sans se faire écraser. Victoire sur la peur, le risque et le lâche renoncement. Elle pouvait respirer et être fière d’elle. Pour cela, elle esquissa quelques pas de danse que personne ne remarqua. IMG_2914 - CopieMon amie venait de sortir de la salle de cinéma dans une paisible bousculade générale. Elle n’avait désormais plus qu’une idée derrière la tête : aller digérer toutes ces belles images ingurgitées devant un bon repas tout chaud. Manger étant un voyage, dans quelle contrée son palais ira-t-il se compromettre ? Vietnamien ? Chinois ? Thaïlandais ou Japonais ? Ses premiers choix sont toujours asiatiques. Et selon des critères liés à la fréquentation des restaurants qu’elle ira scruter, à l’emplacement où elle souhaiterait avoir une table, elle pourrait se rabattre sur l’italien ou le libanais. Puisque le choix s’offre largement ! En tous cas, le film lui avait ouvert l’envie d’un bon dîner.

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IMG_1766Elle prendrait pour commencer un apéro doux, pour s’ouvrir  l’appétit. Ensuite, elle commanderait un bon menu qui serait -comme toujours caché sur les dernières pages- une «formule tout compris»! Pourquoi pas un menu végétarien où il serait proposé un verre de vin bio pour accompagner l’assiette de légumes ? Tous les efforts qu’elle faisait depuis de longues années pour se maintenir en forme l’aidaient à bien se sentir et aussi à se projeter dans une tranquille traversée de la vie. À espérer vivre très longtemps, vieille, solide et encore séduisante.
Maintenant, elle était dans la rue. Alors qu’elle respirait un bon coup d’air frais, un bruit assourdissant la fit sortir de sa torpeur momentanée. Elle n’eut même pas le temps de réaliser ce qui se passait : une voiture qui avait brûlé le feu rouge et la priorité piétons avait renversé un passant et pour en éviter un second, elle s’était projetée à pleine vitesse dans un poteau électrique bien en évidence comme la centaine de poteaux électriques qui permettent d’illuminer automatiquement la ville dès que le soleil prenait sa retraite vespérale. Le bruit en surprit plus d’un et provoqua une petite panique.  Sous ce poteau violemment cogné, juste au bord de cette route si bien éclairée, la petite souris que personne ne voyait, se reposait encore, guettant ce monde étrange qui faisait vaciller ses yeux. Mais ce n’était pas un remue-ménage comme celui-là qui aurait fait déguerpir une souris aussi curieuse qu’elle !

IMG_2901 - CopieLe poteau électrique se renversa et dans sa grande chute, entre autres dégâts, tomba sur mon amie et lui fracassa, sans autres formes de procès, le bassin et les deux jambes.
Quel malheur ! Quel grand malheur ! Appelez les secours, appelez les pompiers ! Au secours !
C’est dans une confusion générale que le SAMU* arriva sur place. Mon amie fut délicatement relevée, puis évacuée ! Les autres blessés ne nous intéressent pas !
La petite souris avait, quant à elle, trouvé l’occasion de se glisser dans un petit trou, de ce côté-ci de cette terrible même avenue à deux voies très fréquentée du centre-ville. L’avenue des Chants de la Liberté ! Qui reste libre d’aller et venir sans le GPS du destin ?
Depuis, nul ne l’a plus jamais revue. D’ailleurs, peu de gens sont au courant de son exploit.

Après plusieurs jours passés à l’hôpital dans un coma artificiel où les chirurgiens l’avaient placée afin de pouvoir intervenir sur son cas plus que délicat, mon amie mourut. Sans un mot, un geste, un signe. Sans testament !

IMG_1727Selon les Anciens, il paraît que c’est ce qu’on appelle le sort ou le destin.
Je n’en sais rien moi ! Une connaissance commune, après avoir pleuré toutes les larmes de son corps à l’annonce de la mauvaise nouvelle, s’écria entre deux sanglots : « On dit que le crayon de Dieu n’a pas de gomme ! Je commence à y croire ! » Personne n’a su rire à cette réflexion.
Mais comme j’avais vu, moi le conteur, ces deux événements se dérouler sous mes yeux…, je ne pouvais pas m’empêcher de vous les rapporter. Tels quels !

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Voilà ! Maintenant vous savez comment se présente le destin sur les chemins de vie et les voies humaines. Le sage, l’homme et le conteur, trois en un parfois, ont une grande envie de vous inviter à profiter à chaque instant des bons moments que la vie vous offre à vivre. Avec des mots, des gestes, des signes.

Un testament qui peut être de l’ordre des grands silences. Ou avoir juste l’envergure d’un petit sourire !

RKF

  • SAMU : Service d’Aide Médicale Urgente

 

LES OISEAUX VOYANTS

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“There were two big birds
Sitting on the tree
One named Black bird
One named White bird
Fly away Black bird
Fly away White bird
Come back Black bird
Come back White bird
And enter into the big tree!”SAMSUNG CAMERA PICTURES

Black birdWhite bird

Deux oiseaux immigrés qui volaient au-dessus des nuages, après avoir observé le monde de très haut, décidèrent de se poser sur le plus majestueux des arbres qu’ils aperçurent. C’était un baobab séculaire qui veille depuis toujours sur des gris-gris accrochés à ses branches et des fétiches attachés à son tronc. Personne ne voit tous les talismans enterrés sous ses racines et dans le creux de ses souches. Par contre dans l’intersection, on devait dire l’articulation de certaines de ses branches, creusée par le temps, les années et leurs rides comme autant de calebasses, se cache un secret connu seulement des initiés : ces récipients naturels étaient remplis d’une eau magique qui guérit les plaies têtues et les maladies jugées longtemps incurables. Comment les recueillir ? Là aussi, « seul un vieillard initié entend le criquet éjaculer ! » Les deux oiseaux ayant quitté leur groupe en migration ont pris inconsciemment cette décision car ils savent reconnaître un escargot enceinte d’un escargot ceinturé par une bedaine.

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Lorsqu’ils se posèrent, ils découvrirent que de l’intérieur de ce baobab, sur l’axe central relié à la lune, on pouvait entendre d’une part le rythme cardiaque asymétrique de l’arbre et de l’autre, le bruit fugace d’un village souterrain. Ils attendirent en se laissant bercer par ces sonorités feutrées. Puis une fois sonnés les douze coups de minuit, ils y pénétrèrent. Là, ils remarquèrent grâce à leurs lentilles fluo que le ventre millénaire couvert de peintures rupestres était peuplé d’êtres extraordinaires, aux âges très variés, les uns aussi insolites et bizarres que les autres.

Aussitôt, un chant monta du village souterrain et enveloppa les oiseaux pèlerins d’un voile sonore aussi épais qu’une fumée d’énormes caoutchoucs brulés. Ils furent à la fois saisis d’effroi et remplis de frissons.

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Brusquement, leurs yeux devinrent magnifiquement perçants et ils commencèrent à observer, explorer et décrire fascinés, toute cette peuplade d’en bas.
L’Oiseau blanc dit à l’Oiseau noir : « tiens, là, au milieu de la cour, vois-tu le même bigleux de vieillard que moi ? »
En effet, il y avait là un vieillard que tous les mammifères carnivores appelaient « Globe unique ». Le vieillard en question n’avait en effet qu’un seul œil, vitreux, positionné au beau milieu de son front. On aurait dit un extraterrestre, tellement l’agencement de ses organes vitaux était différent et amusant : un nez sous la bouche, bouche elle-même dépouillée de lèvres mais trouée d’orifices qui se soulevaient et se rabaissaient comme pour marquer une respiration saccadée. Elle exhibait des dents multicolores très visibles sur les côtés comme chez les phacochères, tantôt lumineuses, tantôt luminescentes ou en surbrillance. Globe unique n’avait ni cils ni sourcils. Son visage écaillé était allongé vers le bas et également tiré vers le haut ce qui lui donnait –sauf pour la pointe- l’aspect d’une crête de caméléon tournant la tête. Son secret et celui de sa trempe de chef : un deuxième œil flottant qu’il pouvait positionner partout. Le reste de son corps était caché par une grande tunique maintenue au niveau du cou par une fermeture éclair très épaisse. On pouvait à l’aspect de cette tunique deviner d’autres difformités sur son corps, des épaules aux pieds.
Riait-il ? Pleurait-il ? Nul ne saurait le dire ! Toujours est-il qu’à tout calculer, il n’avait vraiment pas l’air de quelqu’un qui souhaitait la visite d’étrangers de sa gente ailée.

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Un peu plus loin, assis sur un tabouret à sept pieds, on voyait un autre être encore plus bizarre que « Globe » avec son œil unique vitreux.
— Hé, regarde sur ta droite, dit Oiseau noir à Oiseau blanc, très loin sur ta droite. Vois-tu ce que je vois ?
Oui, Oiseau blanc voyait ce sur quoi Oiseau noir avait attiré son intention. Une sorte de bélier qui avait la tête à la place des fesses et vice versa. Il avançait calmement à reculons. On ne pouvait pas dire si c’était devant ou derrière car ces mouvements désaccordaient le vent. Son sexe, planté sur son front, avait la forme d’un fouet de cheval, long et ferme, touffu et joufflu, tenu en équilibre par dix boules ovales comme des ballons de rugby positionnés pour un coup franc. Sur certaines parties de ses sabots non fendus, le bélier portait des plumes à la place des poils. Mais ses gros sabots rouges énormes étaient dotés de ressorts puissants qui le faisaient à volonté rebondir, à tort et à travers plus qu’il ne marchait ni ne volait. SAMSUNG CAMERA PICTURES

Les deux oiseaux observèrent ainsi avec fascination d’autres êtres captivants occupés à diverses tâches : le bœuf unijambiste qui jouait au golf avec sa jambe, le crapaud cordonnier drapé dans un joli tablier jaune ou le coq moustachu qui dans son salon de coiffure tressait sur le crâne du malingre varan à la langue fourchue des cheveux rastas très épais. Pendant que le lézard jouait à tue-tête pour des escargots un tam-tam fait de trous d’air et de rameaux tressés.

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Ces derniers, en guise de danse, exécutaient des sauts répétitifs comme s’ils faisaient du trampoline et revenaient tomber sur leur crâne. Alors leurs yeux et leurs tympans jaillissaient de leurs orbites. Ils se donnaient un malin plaisir à les ramasser et à les remettre à leur place en riant aux éclats. Dans le même périmètre commercial on pouvait distinguer, entre autres bêtes, le ver de terre poilu qui chantait du rock’n’roll en servant du café blanc et des jus de fruits bleus et noirs aux clients de sa brasserie. Parmi ceux-là figure, malgré sa longue barbe pleine d’eau une dorade royale, adossée à son sceptre avec une longue pipe accrochée au coin des lèvres. Elle donnait des ordres désespérés à une vache qui poussait des cocoricos, réclamait le silence à un chat qui beuglait à tue-tête ou prescrivait l’éloignement à une mère pintade qui nourrissait au sein son bébé mal nettoyé…

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Un poisson ailé qui avait la forme sublime des « mami water », déesses des eaux profondes, corps de dauphin-tête de femme, se mit à balayer avec une langue en lanières fines toute la poussière et les ordures qui reposaient dans le fond de son tout petit aquarium. Elle jetait à grandes brassées, au-dessus des nuages, toutes les saletés ramassées. Ainsi les ordures, au contact des nuages aspirateurs, étaient emportées loin de sa demeure. Et après cette corvée, le poisson ailé se coiffa les cheveux blonds, remit ses lentilles dorées et se refit une beauté devant son miroir-loupe avec un gros rouge à lèvres très transparent.
Un coq à trois pattes traversa à grande vitesse la place du village portant, attaché dans son dos, un poussin à deux cornes qui pleurait. Il était poursuivi par une poule barbue qui tenait dans la main gauche un rouleau de pâtisserie qu’elle voulait asséner sur le dos du fuyard en criant : « rends-moi notre fiancée ! »
Un autre chat taillé comme un chien de chasse, tenait en laisse un magnifique papillon qui utilisait ses ailes comme des éventails pour chasser les mouches blanches qui se nourrissaient des pustules dégoulinantes de leur maître bossu au niveau du cou, des coudes et de l’arrière train. Le papillon en laisse s’amusait beaucoup à ce jeu-là en se roulant un joint de pétales verts !

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« Qu’est-ce qu’ils sont à la fois beaux et bizarres tous ces êtres d’en bas ! » s’exclamèrent de façon synchronisée nos deux oiseaux migrateurs.
Le chant signalant leur présence monta plus fort encore dans le ciel sonorisé :

“There were two big birds
Sitting on the tree
One named Black bird
One named White bird

Fly away Black bird
Fly away White bird
Come back Black bird
Come back White bird
And sit again on the wall!”

Soudain une inquiétude imprévue se saisit d’eux, fermement.
Juste à cet instant-là un vent terrible se mit brusquement à souffler. Il les souleva violemment et les précipita au cœur d’un puissant tourbillon de cendres et de feux.
Après avoir subi dix, vingt, cinquante, cent tours en l’air, les oiseaux épuisés et étourdis se laissèrent tomber. Abattus et désemparés, l’univers autour d’eux était différent et leur mémoire rentraient désormais en lutte contre l’oubli.
Plus aucune trace de l’emplacement du grand et beau baobab qui leur avait offert non seulement l’hospitalité mais encore le magnifique film du monde d’en dessous, des êtres et de leurs vies si extraordinaires.

Aventurier 3Il ne leur restait alors que le souvenir de certains spectacles mémorisés comme autant de rêves qu’ils ont ensuite raconté à leurs fils, complétant l’un pour l’autre leurs descriptions parcellaires. Leurs enfants à leur tour, l’ont raconté à d’autres enfants oiseaux qui l’ont répété en vol, jusqu’à ce que cela parvienne à nos oreilles. SAMSUNG CAMERA PICTURES

Dans les migrations, certains s’écartent encore des énormes, immenses et indéterminables convois. Ils ne reviennent jamais raconter leurs aventures. Ou mésaventures ! Aussi, les récits ne s’enrichissent plus !
Maintenant, vous savez vous aussi que ce monde parallèle existe. Cherchez-le à votre tour. Allez voir ailleurs, cherchez le baobab et tous les arbres millénaires qui cachent si bien leur jeu et leurs secrets et revenez-nous, chargés de récits nouveaux. Peut-être que vous aurez plus de chance que les autres de vous souvenir de tous les détails !

“There were two big birds
Sitting on the tree
One named Black bird
One named White bird
Fly away Black bird
Fly away White bird

Come back Black bird
Come back White bird
And sit again on the wall
And show us another world”

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MYSTÉRIEUX LANGAGE DES FEUILLES QUI TOMBENT…

arbre

Mystérieux langage des feuilles qui tombent

Que disent toutes ces feuilles
Qui tombent de mon arbre ?
Quel langage parlent-elles
Lorsqu’elles atterrissent ?
Disent-elles : « je meurs ?
Ou : « voilà, je suis mort ? »
Ou de façon plus poétique
« C’est mon tour de tomber,
Au-revoir mes sœurs et amies,
Votre tour viendra un jour ! »

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Il ya tout dans la nature...
Ce bruit de chute si particulier
Dont elles remplissent le vide
Malgré la nature de leur chute
Et leurs larges palettes de danse
L’une dodeline juste de la tête
Tandis que l’autre remue la queue
Les deux, avec grâce et provocation
Serait-ce un cri du cœur, de douleur
Exprimant ainsi l’espoir ou le déclin ?

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Que j’aimerais savoir, ce qui se dit là,
Au moment où elles rentrent au bercail
Qu’elles rejoignent la terre tout en bas !
Savoir et l’annoncer aux feuilles sœurs
Colorées, vertes, jaunes, belles à dessein
Savoir et en informer nous, autres êtres,
Des divergents arbres et feuillages du monde !

P1120751Les nerfs et les vaisseaux d'une feuille 1 Les nerfs et les vaisseaux d'une feuille 2 P1120750

CHAUD ET FROID AU SUD

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CHAUD ET FROID AU SUD

Il fait froid et gris dehors
Mais il fait chaud et beau.
Et tout palpitant dans mon eau
Je ressens la vie en degrés Celsius.
Dans mon corps brûle une flamme
Qui refroidit mon océan de désirs
Et allume le feu de tous mes sens.
Au congélo de mes petites émotions
Toutes conservées en morceaux givrés
Se détachent des magmas surabondants
Qui, comme des icebergs abandonnés
Par l’effet de serre et le dérèglement,
Se désolidarisent de l’unité de mon être.

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Pour croquer à pleines dents la liberté
J’ouvre grand mon cœur hiberné,
Je branche un ventilateur survolté
Qui dans un puissant va et vient
Liquéfie les désirs de mon âme éprise.

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Je suis en prise avec la douce chaleur
Qui ne me réserve plus de surprise.
J’active mes énergies bien conservées
Et je retrouve intactes mes envies.
Emotions et sensations se chevauchent.
Je manie le fouet pour qu’elles galopent
Avec vigueur et dextérité immenses.
Ici, il fait tout chaud dans mon cœur
Et je ne crains plus l’effroi de mes rêves !

 

L’Astre, majestueux, tape fort sur les nuages
Qui ne réagissent pas, ils s’en moquent bien.
Pour eux, c’est une caresse offerte d’en haut,
Gracieusement donnée. A prendre pour grandir.
Alors, même contraints et forcés, gonflés à bloc,
L’œil vif, les sens aux aguets, absorbés,
Ils en redemandent encore, doucement.
Et en commandent même en dansant.
En réclament. Supplient pour en avoir.
Jouent mille sarabandes au mâle brûlant
Se renouvelant sans cesse en charmes
Pour montrer fraîcheur et générosité,
En mettant en exergue courbes et bassins.

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Soleil 1

 

 

 

Le soleil viril, heureux comme jamais
Énergique au quotidien, revient à la charge.
Pour répondre aux avances immodérées
Il n’y a pas de mal en ces circonstances
A faire du bien, au vu et au su de tous,
A de si joyeuses barrières de coton
Dont il ne saurait désormais se passer
Tellement leur timide insistance en jette.
Elles bougent, poussées par un flux venté
Oui, elles vont et ne reviennent pas à leur gré.

Le bourreau, devenu esclave roule aussi sa bosse
Comme Sisyphe roulant son gros rocher noir
Il ne peut changer de rail. Le circuit est fermé !
Pauvre soleil, astre triste à force de tourner ainsi,
Prenant des formes magiques, de mille feux doux
Jouant avec les rayons, cachant sa propre vérité
Qui est feu, flamme, ardeur, rougeur et mort
Pour créer de la beauté dans la verte nature.

TOGO 2012 227

Éblouissant, éphémère et indispensable
Il féconde à la ronde et essaime bien la vie,
Or, son puzzle c’est de la mort en miettes.
Nul ne peut impunément lui en vouloir.
L’interpeller en le fixant droit dans les yeux.
L’oser de bas en haut ou de haut en bas,
D’un avion en vol ou d’un radeau sur l’eau
Aux yeux mille fois épris, le malheur guette.
Les aveugles, dans leur vision sans lumière,
Sont à l’abri de ce ravissement harmonieux
Celui qui déstabilise et multiplie les mirages,
Celui qui nous oblige à saluer la tête baissée
Cette puissance inaltérable qui s’affiche bien
Imperturbable dans sa course et son rythme,
Il s’impose à tous et ne se soumet à personne !

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Il pousse fort les cumulonimbus en famille
A lui répéter, sans fin, leurs danses nuptiales !
Mais aucun nuage ne peut vraiment l’éteindre.
Quant à l’éclipse, il l’accepte pour faire plaisir.
Alors chapeau bas. Chaud et froid, tant pis !

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TAXI BROUSSE DANS LES NUAGES

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IMG_3638 - CopieAvion taxi brousse dans les airs 1 - Copie

 

TAXI BROUSSE DANS LES NUAGES

L’information donnée à la va-vite
Micro éteint, en surprend plus d’un.
Certains avancent vite, claudiquant
Tirant à qui mieux mieux, bras bandé
Leur valisette et autres bagages à main.
C’est un vol intérieur. Courses rapides.
Qui permet d’aller, sans coût ni coup férir.
Décollage et atterrissage en trente minutes.
Prix les plus bas, l’avion est plein à craquer.
Alors, placement décrété libre et au choix.
Pourquoi se formaliser encore et encore ?
Alors qu’aussitôt assis, on est déjà arrivés !

Avion taxi brousse dans les airs 10 - CopieLes superstitieux exigent leur vrai siège.
Celui prescrit par les amulettes et le gri-gri
Les grincheux réclament leur place exacte.
Les boudeurs requièrent un endroit-sécurité
Chacun pense au positionnement anti-décès.
Gloussant sous cape, en pseudo abonnés-habitués

Avion taxi brousse dans les airs 7 - CopieCertains accoutumés rient doux mais gaiement,
De ces ingénus qui se ridiculisent de la sorte
En cherchant en vain, d’un regard appuyé
Quelqu’un qui les aiderait résolument
A rentrer, mon Dieu, dans leur bon droit
Que confère l’assignat, ce bout de papier,
Qu’ils tiennent bien serrés au bout des doigts.
A quoi sert alors ce gâchis de récépissé ?
La carte d’embarquement pour le départ,
Avec, précisé dessus, un numéro-territoire ?
Un siège attribué pour la survie, rien que ça !
Las, ils se contentent alors d’une place libre
En maudissant du fond de leur cœur meurtri
Le fils de chien qui sans honte ni remords
A osé faire de ce mystérieux oiseau volant
Un simple et vulgaire moyen de transport…
Et la fille de sa mère dénommée hôtesse
Qui s’est autorisée la vile formule bâtarde :
« Vite, installez-vous où vous pouvez,
On décolle dans moins de dix minutes »

Avion taxi brousse dans les airs 9 - Copie

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Avion taxi brousse dans les airs 5 - Copie

Avion taxi brousse dans les airs 3 - CopieAvion taxi brousse dans les airs 8 - Copie